Le 12 mai 1946, un cultivateur de Vannes (hameau de Sainte-Maure), Monsieur Marcel Laurain, longeait le Melda. Pêcheur, il suivait la course d’un poisson lorsqu’il aperçut, dans l’eau, sous un noyer, une tache blanche. Il regarda bien : cette tache, c’était le chandail d’un homme dont le corps gisait au fond de la rivière.
Une bicyclette était sous lui. L’homme avait un pied enroulé dans la chaîne du vélo.
Dans une musette fixée au guidon, on trouva, outre deux bouteilles vides, un portefeuille contenant une somme de 2.000 francs, mais pas le moindre papier.
Cependant, la plaque de la bicyclette devait fournir l’identité du noyé : il s’agissait de René Buhl, âgé de 27 ans, charretier aux Ets Helminger, demeurant à Troyes, 3, rue des Trois Godets.
Les premiers éléments de l’enquête établirent que le jeune charretier, connu pour sa sobriété exemplaire, se trouvait, au soir du 11 mai 1946, dans un état anormal. Il avait, selon des témoins, l’allure d’un homme assommé ou drogué.
Les journaux rapportèrent que Bhul, célibataire et qui vivait avec sa mère et son beau-père allait chercher à Sainte-Maure, 3 litres de lait, suppléant son beau-père convalescent à la suite d’une intervention chirurgicale. Il déposa un des litres à la ferme Gibier, à Culoison, puis à 20 h 45, Mme Lucienne Barotte le vit pour la dernière fois vivant, non loin de l’église de Vannes.
Près de l’endroit où le cadavre de la victime avait été retrouvé, des traces de lutte et de pas furent découvertes dans l’herbe d’un champ.
Il apparut aux gendarmes qu’un corps avait été traîné à cet endroit puis chargé dans une remorque de vélo dont l’empreinte des roues s’arrêtait au bord de la rivière.
S’il y avait crime, c’était un crime à deux, c’est-à-dire que deux personnes au moins y auraient participé. On s’expliquait mal qu’un cycliste puisse se noyer à 7 heures du soir, à un endroit écarté de son chemin.
Il y avait ensuite la roue arrière de la bicyclette. Lorsque le vélo fut retiré du Melda, on constata, en effet, que cette roue était posée à l’envers, autrement dit que le pignon denté se trouvait du côté opposé au plateau du pédalier.
Comment Buhl aurait pu venir à Vannes avec un tel engin ?
Il y avait, également la barque. Habituellement, l’embarcation de M. Laurain était amarrée avec une grosse chaîne. Or, samedi soir, son propriétaire s’apercevait que sa chaîne avait été forcée et que sa barque se trouvait en dérive à 20 mètres en amont du lieu d’amarrage. Quelqu’un s’en était donc servi le soir de la noyade… ou de l’assassinat de René Buhl.
Quatrième fait troublant : le noyé portait sous les oreilles et aux poignets des traces suspectes.
Le malheureux charretier avait-il été étranglé ou étouffé ?
Les constatations ne permirent pas de l’établir avec exactitude mais l’autopsie apporta cependant une certitude : le charretier était mort lorsqu’il tomba ou qu’on le jeta dans le Melda : aucune trace d’eau ne fut retrouvée dans ses poumons et la bouche ne contenait pas de graviers.
L’hypothèse d’un crime se trouvait donc renforcée.
Les gendarmes, fouillant les lieux proches de la découverte du corps, ramassèrent sur l’herbe couchée un morceau de lettre mauve. Seuls quelques mots étaient lisibles, mais le nom et l’adresse figuraient intégralement sur le bout de papier. Il s’agissait d’une jeune femme des environs. Celle-ci affirma que la lettre, non postée, était destinée à une amie. Mais comment ce débris de lettre pouvait-il avoir été retrouvé sur les lieux de la noyade ? De quelle poche était-il tombé ? De celle de la victime ou de celle de son éventuel assassin ?
Un point fut en tout cas établi : René Buhl et la jeune femme se connaissaient. Ils étaient allés ensemble à l’école. Par ailleurs, la jeune femme avait rencontré le jeune charretier peu avant sa fin tragique.
Les investigations s’arrêtèrent en attendant des éléments nouveaux.
M. Jean Scelle, nouveau juge d’instruction, arrive dans l’aube début 1949, et se met en devoir d’étudier tous les dossiers en sa possession concernant des affaires non encore classées.
Il décide d’entendre dans son cabinet tous les témoins de l’affaire René Buhl.
Et c’est ainsi qu’un cultivateur lui fit une révélation : « Un soir d’octobre, alors que je passais devant la maison des X (c’est la maison qu’habitaient la jeune femme en cause et son mari) j’ai entendu une vive discussion entre la jeune femme et sa mère. Celle-ci a crié à sa fille : Ton mari est un assassin. La jeune femme lui a lancé, en baissant un peu la voix : Tais-toi, voyons, il ne faut pas le dire ».
Interrogées, les 2 femmes confirmèrent ces propos, mais en les mettant sur le compte de la colère.
Les enquêteurs acquirent plus tard la conviction que le mari de la jeune femme avait fait sur l’oreiller, des confidences à des petites amies, avouant être l’auteur de l’assassinat de René Buhl. Il avait ajouté que c’est sa femme qui avait voulu qu’on le supprime.
En possession de tous ces éléments, le juge d’instruction délivrait un mandat d’amener contre les époux X.
Le couple reconnaissait certains propos qu’on lui prêtait, mais l’homme opposait de farouches dénégations à tout ce qui touchait à la disparition de René Buhl.
Les 2 époux n’en étaient pas moins écroués sous l’inculpation d’homicide volontaire et ils entrèrent à la prison de la rue Hennequin.
Mais, 2 mois après leur incarcération, le 25 mars 1949, les époux X étaient remis en liberté.
Deuxième rebondissement : 4 jours plus tard, la mère de la jeune femme qui avait si gravement accusé son gendre d’être l’assassin du jeune charretier était retrouvé noyée dans le Melda !
Tomba-t-elle accidentellement ?
Se jeta-t-elle à l’eau ?
Le couple X à nouveau pressé de questions jura ses grands dieux qu’il était innocent.
Une autopsie fut pratiquée, mais elle ne donna aucun résultat probant.
L’enquête continua encore pendant quelques mois, mais finalement fut close !
Encore 2 crimes impunis !
Sur le bandeau du bas de chaque page, vous cliquez sur "Plan du site", qui est la table des matières, et vous choisissez le chapitre qui vous intéresse.
Cliquez sur "Nouveaux chapitres" vous accédez aux dernières pages mises en ligne.