Elle ouvre grand ses portes aux journalistes et aux cameramen de la télévision.
Alors d’un seul coup, ce quartier calme de Troyes, s’est animé.
Des voitures de TF1 et de FR3 sont garées le long du trottoir. Des photographes vont et viennent dans l’immeuble.
Bernadette Bouvier les attend : "C’est vraiment affreux, le jeudi 16 avril 1992, je me suis levée à 7 heures comme d’habitude. J’ai réveillé mon fils Jean-Claude, qui a 13 ans, et Anaïs, ma petite fille de 6 ans. Nous avons pris notre petit déjeuner, ensuite, j’ai conduit Anaïs à l’école. Moi, je me suis rendue au cours de formation que je suis pour devenir institutrice. A 17 h 30, j’étais à nouveau devant l’école pour prendre Anaïs. Elle marchait près de moi quand j’ai remarqué un homme vêtu d’un costume sombre. Il était assis sur le banc du trottoir d’en face où, généralement, il y a un vieux monsieur avec un chien. Il portait une casquette et des lunettes de soleil. J’ai ressenti comme un mauvais pressentiment. Donne-moi la main vite !, ai-je dit à Anaïs, tout en surveillant l’homme du coin de l’œil. Quand nous sommes arrivées à sa hauteur, il s’est levé et a commencé à nous suivre, depuis le trottoir d’en face. Alors là, vraiment, j’ai eu très peur. J’ai accéléré le pas. Nous avons marché jusqu’à environ une centaine de mètres de notre immeuble. A l’entrée du parking, j’ai remarqué une voiture garée. C’était une ZX couleur marron, avec une plaque d’immatriculation belge. Dans la voiture, il y avait deux hommes. De plus en plus affolée, j’ai vu celui qui nous suivait traverser la rue alors que nous arrivions à la hauteur de la Citroën. En même temps, le passager de la voiture a ouvert la portière. J’ai compris qu’ils allaient enlever ma fille. Je l’ai prise dans mes bras et j’ai couru en criant : Au secours, c’est un enlèvement d’enfant, appelez la police ! Mais il n’y avait personne dans les parages. Le passager est sorti brusquement de la ZX. Il s’est rué sur moi et m’a donné un coup derrière la tête. Je suis tombée en lâchant Anaïs qui hurlait de terreur. Il l’a empoignée à bras le corps et il a regagné la voiture. L’homme du banc s’est engouffré à son tour dans le véhicule qui a démarré sans que je puisse rien faire… Cela devait finir par arriver, murmure-t-elle d’une voix lasse. Depuis le temps qu’il nous poursuit !". Il, c’est le propre père d’Anaïs, un certain Lance Spangler, journaliste de la télévision américaine, producteur d’une émission célèbre intitulée Halte au crime. "Je l’ai rencontré au Texas, explique-t-elle, où je vivais avec mon petit garçon Jean-Claude. Très vite, je suis devenue sa maîtresse. Mais quand Anaïs est née, en 1986, notre couple ne marchait déjà plus. Nous avons décidé de nous séparer. Seulement, aux Etats-Unis, il faut un jugement pour valider la séparation, même quand il s’agit d’un concubinage. En attendant, on m’a confié la garde d’Anaïs. En septembre 1987, le jugement est intervenu et a décidé que la garde serait conjointe. Anaïs vivait avec moi pendant les week-ends et les vacances, et Lance la gardait les autres jours. Mais très rapidement, je me suis aperçue qu’Anaïs ne se plaisait pas avec son père. En l’interrogeant, bien qu’elle soit encore toute petite, elle avait à peine 3 ans, j’ai appris qu’il lui faisait des choses horribles… J’ai porté plainte auprès du Service des victimes du département de police d’Austin. Des policiers ont interrogé ma fille. Mais elle n’a rien osé leur dire. L’affaire a été classée… ".
Bernadette Bouvier est convaincue que son concubin est un monstre et que sa fille est en danger. Aussi, à l’occasion d’un week-end, elle s’enfuit avec Anaïs et Jean-Claude. Elle se réfugie au Canada, à Toronto, où elle est recueillie par la Société catholique de protection des enfants de Hamilton. Du coup, Bernadette se trouve en infraction : au regard de la loi, elle a enlevé sa fille. Lance Spangler réclame officiellement la garde complète d’Anaïs et son retour aux Etats-Unis. De son côté, Bernadette ne reste pas inactive. "J’ai fait pratiquer à Toronto des examens médicaux sur Anaïs. Le rapport du pédiatre a confirmé mes pires soupçons. A la suite de ce rapport, j’ai obtenu d’être rapatriée en France avec mes enfants, par l’intermédiaire du Ministère des Affaires Etrangères, pour cause grave ".
Pendant deux ans, la jeune femme se terre dans un quartier reculé de Troyes. En choisissant une petite ville de province, calme et sans histoires, elle espère bien échapper à Lance. Chaque jour, elle conduit sa fille à l’école, et à la sortie des classes, elle la raccompagne à la maison. Une existence tranquille, discrète, jusqu’à de début du mois d’avril 1992…" A plusieurs reprises, j’ai eu l’impression d’être suivie, épiée, affirme Bernadette. Par la fenêtre, j’avais repéré un homme à l’allure louche, lunettes noires, caquette rabattue sur les yeux, engoncé dans un costume sombre, qui semblait faire le guet assis sur le banc du trottoir d’en face . Depuis deux ans, Lance n’a jamais perdu ma trace. Vous savez, de par son métier, il sait comment mener ces affaires là. La nature de ses émissions fait qu’il se trouve très lié au milieu des détectives et des policiers… Ma petite Anaïs, elle aussi, a commencé à avoir peur ». Et Bernadette de raconter le cauchemar qu’a fait sa petite fille, l’avant-veille de son enlèvement. Au cœur de cette nuit du mardi au mercredi 15 avril 1992, Bernadette est soudain réveillée par les hurlements de sa fille. Elle se précipite dans sa chambre et trouve l’enfant en larmes : Maman, maman, j’ai rêvé que papa venait me reprendre. Je ne veux pas ! Je ne veux pas qu’il me reprenne ! Maman, j’ai peur. J’ai réussi à la calmer… ".
Depuis 15 jours maintenant, Anaïs a disparu. Dans la demi-heure qui a suivi son enlèvement, une interdiction de sortie de territoire pour la petite fille est lancée par la police à toutes les frontières et dans tous les aéroports. Or, aucun homme ne se présente aux frontières avec l’enfant. Il y a donc de fortes chances pour qu’Anaïs soit toujours sur le territoire français. Les recherches se poursuivent. Tant que toute la lumière ne sera pas faite sur cette pénible affaire, le procureur de la République se tient sur une prudente réserve : " C’est une affaire de famille délicate, en raison de son contexte et des procédures en cours " estime-t-il. En effet, le tribunal de grande instance de Troyes, saisi de la demande de Lance Spangler visant à faire rapatrier Anaïs au Etats-Unis, ordonne une enquête sociale et médico-pédagogique. Les conclusions de cette enquête sont examinées par le tribunal du jeudi 7 mai, date cruciale pour Bernadette Bouvier, puisque les juges risquent de lui accorder officiellement la garde de sa fille, soit de lui retirer. Or, bizarrement, l’enfant a été enlevée quelques jours seulement avant que le tribunal ne rende sa décision…
L’accusation que porte Bernadette Bouvier contre son ex-concubin, très grave, a été faite publiquement à la télévision française.
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