Epidémies




La Maladrerie de Rosnay-L’Hopital


Confrerie de la charité
Confrerie de la charité

          On sait que la lèpre, cette maladie terrible dont le caractère contagieux exigeait les précautions les plus minutieuses, régnait au moyen-âge dans nos contrées.

De nombreux hospices s’élevèrent non seulement dans les villes, mais encore dans les campagnes, pour recevoir les malheureux qui en étaient victimes. Les ministres de la religion, qui présidaient alors à tous les actes de la vie, allaient chercher eux-mêmes le lépreux et l’amenaient d’abord à l’église de la paroisse. Là, ils accomplissaient sur lui des cérémonies qu’on trouve encore décrites dans les rituels de l’époque. Ces cérémonies avaient pour but de le recommander à la respectueuse et tendre compassion des fidèles. Le malade était ensuite conduit à la léproserie au chant lugubre du « Libera », pour lui apprendre que désormais il devait se regarder comme mort à la société. La lèpre cessa dans notre pays vers la fin du XVI° siècle. Avec cette maladie, les établissements hospitaliers que les pieuses libéralités du haut baronnage avaient dotés de biens considérables, disparurent également.

 

           Un document de 1560 a été trouvé, relatif à la léproserie de Rosnay-l’Hôpital. En outre, la dénomination de « maladière » qui désigne une contrée de cette commune, ne laisse aucun doute sur l’emplacement de l’asile des anciens lépreux. Il était situé sur la rive gauche de la Voire, au sud-est du village, à une certaine distance des habitations, comme tous les hospices de ce genre. D’après les chroniques des moines du Der, il aurait été fondé au commencement du XII° siècle et donné aux disciples de saint Berchaire par Philippe  de Pons, évêque de Troyes, avec une chapelle dédiée à Saint-Nicolas. Cette chapelle a laissé son nom à l’un des faubourgs de Rosnay. Ce faubourg, séparé du centre de la population par la rivière, forme comme un hameau distinct et présente un aspect plus rustique que son chef-lieu. En cet endroit, vivaient séquestrés plusieurs lépreux. Ceux-ci ne circulaient pour demander l’aumône, que s’ils étaient « méseaux », c’est-à-dire malades seulement de la lèpre blanche. Encore, devaient-ils annoncer leur présence par une cliquette en bois. Les autres, d’un aspect plus repoussant et d’un contact plus dangereux, étaient tenus en réclusion. Mais, pour adoucir leur sort, la charité chrétienne suscitait des âmes dévouées qui se consacraient à leur service. Il y avait une chapelle pour la célébration des offices religieux, un prêtre ou un moine pour les diriger et les consoler, des frères et des sœurs pour les soigner et panser leurs plaies. Des observances régulières les assimilaient presque à des cérémonies et des châtiments étaient infligés aux délinquants.

 

Les chroniques des moines du Der renseignent sur les biens destinés à l’entretien de ces malheureux qui peuplaient encore au XVI° siècle la maladrerie de Rosnay. Ces possessions, dont certains lieux dits tels que le Pré-Dieu, la Pièce-de-la-Chapelle, le Champ-de-la-Croix, situées dans la région de l’ancienne léproserie rappellent le souvenir « furent-elles concédées du moins en partie », aux comtes de Rosnay. Louis XIV, par un édit de 1672, incorpora tous les biens des maladreries à l’ordre chevalier  du Mont Carmel et de Saint-Lazare. Il se proposait d’en former des commanderies pour récompenser ses plus braves officiers, à la condition toutefois que sur ces commanderies, on prélève les secours nécessaires pour le soulagement des lépreux. Or, il professait une grande estime pour Pierre Claude Berthier du Metz, valeureux comte de Rosnay, « qui poussa la perfection de l’artillerie au point où Vauban, maréchal de France, avait porté le génie ». En reconnaissance de ses éminents services militaires, il gratifia l’illustre guerrier d’une portion des biens de la Maladrerie de Rosnay. Des remontrances furent faites à Louis XIV, on lui exposa  qu’on ne pouvait sans injustice, ravir les maladreries aux villes et campagnes qui les avaient fondées. Le roi revint sur son édit et prescrivit la création d’hôpitaux auxquels on fournirait des ressources en y annexant les léproseries du voisinage. Un édit de mars 1693, attribue les biens et les revenus des maladreries aux hôpitaux déjà existants ou récemment établis, à la condition que les malades et les pauvres reçoivent l’hospitalité en nombre proportionné à l’apport des susdits biens et revenus. Claude-Paul Bourgeois, curé de Rosnay, avait organisé dans sa paroisse une Confrérie de Charité le 9 juin 1685. Obtint-il pour cette œuvre une portion des biens et revenus de la Maladrerie de Rosnay ? Sans doute, car il a rédigé lui-même les cérémonies qui accompagnaient cette fondation. Cette Confrérie de Charité fit de généreux efforts pour remédier aux souffrances de la population pendant les années calamiteuses qui suivirent l’époque de son établissement. Les mois de juillet et août 1691 furent d’une sécheresse extrême, ce qui engendra quantité de maladies : « le 17 août de la même année, ajoute la note du registre paroissial, une grêle exorbitante a fait un dégât notable depuis la Brie jusqu’en Lorraine, particulièrement de l’avoine et du chanvre, ce qui a rendu ces denrées extrêmement chères. Les vicaires généraux de Troyes donnèrent, en mars 1692, la permission de manger des œufs pendant le carême, tant à cause de la guerre que pour la rareté et la cherté des poissons et légumes. Tout le mois de mai fut extraordinairement froid, chagrin, malsain, ce qui a rendu l’année maussade, les terres impraticables la moisson et la vendange fort tardives, les fruits sans goût, le vin sans qualité, le pain sans prix. En 1694, la fièvre pourprée a enlevé beaucoup de personnes, et elle a continué à désoler la paroisse de Rosnay et les environs en 1695 ». La Confrérie de Charité eut longtemps pour objet principal de soigner les malades, d’ensevelir les morts et d’accompagner les convois funèbres, mais, au XVI° siècle, elle dut se fusionner avec le Bureau de Charité qui se composait du curé, du seigneur du lieu, du procureur fiscal et des principaux habitants. L’assemblée avait la direction, mais l’administration proprement dite était remise, soit aux marguilliers en charge, soit à un procureur de charité qui remplissait le rôle de trésorier. Ceux-ci étaient aidés dans la distribution des secours par des dames et des demoiselles des pauvres. Les legs pieux avaient enrichi cet établissement charitable. Le bureau de charité déclara qu’il emploierait les pauvres au rétablissement de la chaussée, « ce qui les empêcherait de demeurer dans l’inaction dans laquelle ils ont coutume de croupir, et les dispenserait de donner lieu aux désordres fréquents qu’il est obligé de réprimer ». Lors de la tourmente révolutionnaire, les bureaux de charité suivirent les vicissitudes des hospices : leur administration fut désorganisée et leurs biens confisqués au profit de l’Etat. La loi du 19 mars 1793 déclara que l’assistance des pauvres était une dette nationale, et prescrivit la formation d’une agence cantonale chargée de la distribution du travail et des secours aux pauvres qui se feraient inscrire sur un registre dans leur canton respectif. La loi du 27 novembre 1796 supprima ces agences et les remplaça par des bureaux de bienfaisance.  Ce fut probablement pour venir au secours des pauvres valides ou non valides inscrits au registre du nouvel établissement de charité qu’en 1794, l’assemblée municipale de Rosnay autorisa le procureur de la commune à faire toute poursuite pour rentrer en possession d’un terrain appelé la « Ferme de la Maladière », qui avait été vendue en 1793 au district de Bar-sur-Aube. Le sieur Louis Henri père, s’était rendu acquéreur des bâtiments. Il vendit ensuite  le principal corps de logis à un sieur Tassin, de Brienne-le-Château. M. Deligny, notable du village de Précy-Notre-Dame, père d’un conseiller général de l’Aube, acheta les écuries. Quant aux champs, prés et bois, ils ont été adjugés en détail à plusieurs propriétaires. Il ne reste que quelques vestiges du vieil établissement, entre autres, une énorme pierre à eau dont l’état de vétusté paraît remonter presque à l’époque des derniers lépreux.    

 

 

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