Histoires d'eau



Le canal de la Haute-Seine


          Au temps de Louis XIV, et avec son autorisation, le duc de la Feuillade et une compagnie financière entreprennent d’assurer ou d’améliorer la navigation de la Seine. Sous la conduite de l’ingénieur Boutheroue, une première section est mise en chantier à partir de Nogent et en 1703, les premiers bateaux arrivent à Troyes. Il y aura même un service de coches de voyage. En 1709, un hiver d’une rigueur exceptionnelle s’abat sur le pays. Les équipements réalisés par la Feuillade ne sont pas épargnés, et la navigation est suspendue. Faute d’argent, d’entretien et de réparation, elle n’est pas rétablie.

         Depuis Louis XIV et ses lettres patentes en faveur du duc de La Feuillade, jusqu’à Napoléon 1er et son Décret du 21 germinal An XIII, les travaux d’aménagement de la Seine, en rivière libre ou canalisée, n’ont d’autre but que d’assurer la liaison fluviale avec Paris, la voie d’eau offrant les meilleures conditions de transport à destination de cette capitale qu’il faut ravitailler. 

« Je veux qu’avant 10 ans, les bateaux partant de Paris remontent la Seine jusqu’à Bar-sur-Seine », dit Napoléon en avril 1805.

         Ce canal, qui traverse Troyes de part en part, devait être poursuivi jusqu’à Châtillon. Malheureusement, il s’arrêta définitivement à Bar-sur-Seine et son utilisation ne dépassa pas notre ville.

Quand Napoléon passe à Troyes en 1805 le 12 Germinal (12 avril)),les Troyens s’empressent de lui demander au plus vite, une voie navigable.

Le 13, à 6 h du matin l’Empereur monte à cheval, accompagné du Préfet, escorté par 15 chasseurs de la Garde d’honneur, et par un détachement de la Garde Impériale, il s’avance le long de la rivière, une lieue et demie au-dessus de Troyes, et après avoir considéré la Seine, dans l’endroit où elle commence à se diviser, il revient par un autre chemin, puis faisant une partie du tour de la Ville, il y rentre par la porte opposée à celle qu’il a prise pour sortir.

A 9 h du matin, Sa Majesté donne audience aux Autorités et aux Fonctionnaires publics. Il prend l’occasion d’une des demandes du Corps Municipal, du dessein qu’il a de rendre la Seine navigable jusqu’à Châtillon : « Le canal de navigation, dit-il, traversera votre ville et suivra le cours du canal qui passe près de l’Hôtel de la Préfecture et de l’Hospice civil. Je veux que, pour l’utilité particulière de votre ville, il y ait un port qui soit établi sur la place du Préau. Mais il importe que cette place soit embellie, et que les édifices qui l’environnent soient bâtis régulièrement. A cet effet, il faut que le Conseil Municipal me demande l’autorisation d’acheter les terrains qu’il convient d’y réunir, et de faire démolir les restes de l’ancien palais des Comtes de Champagne, comme aussi d’aliéner au profit de la ville le pourtour de la place du Préau, à la charge d’y bâtir en pierre ou en brique. Je ferai jouir les acquéreurs d’une exemption de contribution pendant quinze années. Il importe aussi qu’il y ait, près du port, une Halle pour servir d’entrepôt aux marchandises et objets quelconques destinés pour votre ville, et amenés par le canal de navigation. Cette Halle, et les édifices à construire, tant au pourtour de la place du Préau que sur les 2 rives du canal dont il s’agit, seront exécutés d’après les plans que des ingénieurs ou architectes en dresseront. Une fois que la navigation sera établie, vous pourrez alors vous procurer facilement les moyens de bâtir vos édifices en pierre ou en brique, et d’embellir votre ville. Je veux qu’avant 6 ans les coches et bateaux puissent remonter et descendre la Seine depuis Paris jusqu’à Bar-sur-Seine, et au-delà. Je vais prendre des mesures pour que cette entreprise soit commencée dès la présente année, et continuée avec la plus grande activité. Enfin, je désire que la ville de Troyes se souvienne de moi, et du séjour que je fais dans ses murs ».

On commence par creuser le bassin du canal, livré aux pioches et aux pelles de 1.500 prisonniers espagnols que l’on désaltérait à l’eau vinaigrée.

En 1823, suspension des travaux. On souffle jusqu’en 1840. A partir de cette date, on construit les ponts, les écluses et les murs de soutien, dans la traversée de Troyes.

Enfin, en 1846, l’eau de la Seine s’engouffre dans le lit creusé.

Les bateaux apparaissent. En 1848, on plante les platanes qui doivent orner les rives, depuis le boulevard Danton au Pont-Vert (ils disparaissent pendant l’occupation 1940-1944, pour chauffer les habitants démunis).

Après une lutte de plus de 40 ans, la bataille est gagnée. On s’attend à une grandiose cérémonie d’inauguration, mais elle n’a pas lieu en raison des inondations qui ravagent le pays.

Cependant, le canal n’est pas achevé. Après un temps de réflexion, en 1862, on s’occupe de la section Troyes-Bar-sur-Seine, qui est terminée en 1882, soit 35 kilomètres. Mais, grande désillusion : ce canal, qui a demandé 20 ans de travail, n’a jamais reçu aucun bateau. Dès que l’eau y est amenée, elle disparaît comme d’un panier percé.

Pendant la guerre 1914-1918, le Canal de la Haute Seine retrouve une certaine activité. Ensuite le tonnage transport se met à diminuer, et c’est une lente agonie. Il devient alors plus encombrant qu’utile. Les élus troyens prennent une décision, lui enlevant toute possibilité d’avenir : au lieu de couler à ciel ouvert, de l’ancien port au bois au Vouldy, l’eau passe dans des buses pour faire place à une large avenue.

A l’entrée de la cité, boulevard Danton, le canal avait sur ses piles comme enseigne, les armes de Champagne et de Troyes, sculptées en relief dans la pierre. Cette belle pièce était au Musée de Vauluisant. Lorsque, grâce au maire François Baroin le canal a été réouvert, elle a été replacée à son endroit primitif sur une pile du canal près du théâtre de Champagne.

Sur cette belle pièce héraldique, les comtes y affirment d’abord leur devise orgueilleuse qui ne manque pas de grandeur « PASSAVANT LE MEILLOR ». Puis on remarque des potences qui ont été « contre potencées » pour former le T, initiale de la ville de Troyes. En outre, par leur nombre de 13, elles évoquent les 13 comtés de Champagne relevant de la puissance des comtes.

 

En 1971, je vote avec le Conseil municipal la couverture du canal entre la rue Hennequin et le boulevard Danton et la mise sous grosses canalisations du canal depuis le boulevard Danton, afin d'utiliser l'emplacement du canal pour les besoins de l'automobile.

 

 


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