« Monsieur est parti de Paris le 8 septembre, à 6 h, pour visiter l’Aube qui a le plus souffert des malheurs de la guerre, y porter pour consolation première le bienfait de sa présence, sonder des plaies encore récentes, et se rendre auprès des victimes des derniers évènements l’organe des intentions bienfaisantes de Sa Majesté, l’interprète de ses dispositions réparatrices… ».
Le frère du Roi, Son Altesse Royale Monsieur, à son arrivée à la limite du département de l’Aube, est accueilli par le Préfet à l’entrée du Mériot, près des ruines du village : « Puissent les impressions douloureuses qu’éprouvera Votre Altesse Royale en voyant tant de villes et de villages ruinés, tant de familles réduites à la mendicité par le pillage et l’incendie, être au moins adoucies par l’impression de la joie qu’elle verra se répandre à son aspect sur tous les visages naguère baignés de larmes… Au bienfait de votre présence, nous osons vous supplier, Monseigneur, d’ajouter celui d’être l’interprète de nos sentiments auprès du meilleur des rois. Daignez lui dire que si ses enfants du Département de l’Aube ont le plus remarquablement souffert des maux de la guerre dont leur pays fut constamment le théâtre, ils ne méritent pas moins aussi d’être distingués par leur amour et leur dévouement pour la race chérie des Bourbons».
Son Altesse passe la première sur le pont de Nogent-sur-Seine détruit et qui vient d’être reconstruit en bois. Elle est reçue à Nogent au milieu des acclamations publiques, sous des arcs de triomphe de simple verdure. Cette ville, ruinée par la guerre, avec l’incendie de 130 maisons et le pillage des autres, ne peut témoigner que par des cris de joie son bonheur de recevoir dans son sein le frère de son Roi…
La journée du lendemain fait éprouver au cœur de Son Altesse des émotions encore plus douloureuses. Elle parcourt 39 lieues de poste sur la ligne la plus dévastée, en passant par Méry, Arcis-sur-Aube, Lesmont, Brienne, Dienville, La Rothière, Trannes, Arsonval, le Pont de Dolancourt, Bar-sur-Aube, Vendeuvre (dont pas une maison n’a été exempte de pillage et d’incendie, et où le tiers de la population est mort de la maladie qui a régné à la suite de la guerre dans tout le département), Lusigny et Troyes. Sur cette route, pas un village qui ne soit éprouvé des incendies, plusieurs sont entièrement réduits en cendres.
« Son Altesse a bien voulu descendre à l’entrée de Méry, où il ne reste que 26 maisons. Son Altesse, entourée de la foule des malheureux à qui elle adresse les paroles les plus touchantes, est entré dans une maison où une soixantaine d’habitants sont entassés sur la paille avec leurs familles. Le reste s’est réfugié dans les caves des maisons brûlées ou dans les villages voisins un peu plus épargnés. Quel spectacle que celui du frère de notre Roi fondant en larmes, au milieu des plaintes et des bénédictions de ces malheureux, et leur promettant une intercession auprès du Roi et un secours sur sa propre cassette, qu’il a réalisé à son arrivée à Troyes ».
A la porte de Troyes, accueilli par le Maire M. de Courcelles, il traverse la ville, tapissée dans toute sa longueur, à la lueur des illuminations et au milieu des cris de joie qui lui prouvent que les malheurs de tout genre n’ont pas éteint dans le cœur des Troyens les sentiments d’attachement à la race royale dont ils ont donné des preuves à diverses époques de l’histoire. Le lendemain, après une messe à la cathédrale, Son Altesse passe en revue les troupes et reçoit les députations. Elle accorde une partie des secours proposés et promet ses bons offices auprès de Sa Majesté, pour obtenir un dégrèvement considérable d’impôts. Elle donne au nom du Roi et pour 2 ans, 60.000 solives par année, à prendre dans les coupes ordinaires, elle annonce un prêt de 150.000 francs pour 3 ans, pour achat de vaches en remplacement… Enfin, elle a la générosité de donner sur sa propre cassette 36.000 francs pour les incendies… Bien qu’ayant été prévenue à trouver dans le département des traces du ravage et de l’incendie, la réalité a surpassé l’idée qu’elle s’en était faite.
Monsieur a daigné accorder des croix de la Légion d’honneur à différents fonctionnaires et militaires.
Le 11, Son Altesse continue sa route « au milieu de l’ivresse publique. Il n’est pas de village où elle ne se soit arrêtée pour écouter les habitants et leur adresser des paroles de consolation ».
A Bar-sur-Seine, s’adressant aux habitants qui obstruent toutes les avenues, Monsieur les assure que S.M. ne pense qu’au bonheur de ses peuples et de les soulager après ces temps de guerre. Ces paroles sont couvertes des cris de joie « mille fois répétés de Vive le Roi, Vive Monsieur, Vivent les Bourbons ».
Sept mois plus tard, les populations accueillent le rétablissement de l’Empire avec le même enthousiasme qu’elles ont témoigné aux Bourbons. «Les municipalités prêteront serment à l’Usurpateur dans les mêmes termes qu’elles faisaient au Roi un an auparavant ».
L’opposition n’apparaîtra dans l’Aube, qu’un an plus tard, à la fin de 1815.
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