De toutes les entrées de souverains qui ont eu lieu à Troyes, celle de Henri IV est celle qui a laissé le plus de souvenirs.
Elle ne doit pas sa notoriété à la nouveauté, l’éclat, la magnificence des fêtes que l’échevinage donne à cette occasion. Elle le doit surtout aux vitraux où le dernier des grands peintres-verriers de Troyes, Linard Gonthier, a tracé, d’un pinceau agile et brillant, les principaux épisodes du passage à Troyes du premier roi de la dynastie des Bourbons.
Linard Gonthier peint, pour la compagnie des arquebusiers, quatre panneaux sur lesquels il retrace ces épisodes, et que l’on peut admirer dans la grande salle de l’ancienne bibliothèque, rue du Musée.
Le séjour de Henri IV à Troyes le 30 mai 1595, n’a pas le caractère solennel et joyeux des séjours que Charles VIII, Louis XII, Henri II et Charles IX y firent.
Le roi de Navarre n’est pas encore entièrement maître du royaume de France, et c’est en allant poursuivre les Espagnols en Bourgogne (où il les bat), que Henri IV traverse Troyes.
Prévenu de cette visite, le maire décide de préparer au roi une entrée convenable, malgré l’endettement de la ville de plus de 80.000 écus.
2.000 écus sont nécessaires pour en couvrir les dépenses, et le maire et les échevins sont obligés d’avancer une partie des fonds, de faire appel à la générosité des habitants et de s’engager à rembourser au bout de 6 mois, les sommes qu’on voudrait bien leur prêter.
On fait nettoyer les rues et les abords de la ville, on fait enlever les immondices qui se trouvent dans les rues où le roi doit passer…
On fait élever 8 échafauds sur le parcours, de la porte du beffroi à l’évêché, avec des écussons, des guirlandes, des chapeaux de triomphe…
Des filles et garçons, de 5 à 10 ans " proprement habillés et bien ajustés " sont placés sur les échafauds, avec mission de crier " Vive le roi " aussitôt qu’il paraîtra…
Sur d’autres échafauds, il y a les chantres, musiciens, symphonistes, ménétriers, joueurs de viole et d’autres instruments…
Grâce au vitrail de Linard Gonthier, nous pouvons reconstituer cette visite.
Le 30 mai, le roi arrive revêtu de sa cuirasse, il tient de sa main droite son bâton de commandement et porte son chapeau ombragé de plumes bleues et blanches, il est sur son cheval blanc caparaçonné de bleu.
La porte du Beffroi, par laquelle tous les rois sont entrés à Troyes au XVI° siècle, est précédée de deux ponts-levis et flanquée de deux grosses tours.
Au-dessus du porche sont peintes en couleurs, rehaussées d’or, les armes de la ville, soutenues par deux anges.
Le maire et les échevins, suivant l’usage, mettent un genou en terre devant le roi, et le maire lui présente les clés de la ville.
De toutes parts, le peuple se presse pour voir le roi, montant même sur les toits !
Place de l’hôtel de ville, s’élève un arc de triomphe orné de statues dorées…
Quatre canons font entendre leurs salves…
Une jeune fille, sur un char traîné par deux chevaux blancs, s’avance vers le roi et lui offre un cœur d’or fleurdelisé.
Le roi se rend à la cathédrale où il est reçu par l’évêque, qui a été son confesseur et est son grand aumônier.
Henri IV prend place dans l’oratoire qui lui a été dressé dans le chœur.
Ses armes sont peintes sur une toile semée de fleurs de lys.
Agenouillé, le roi entend le Te Deum, puis il se dirige vers l’évêché où des appartements lu ont été préparés.
Henri IV est satisfait de recueillir les témoignages de fidélité d’une grande ville qui vient de se rallier à sa cause.
Il est suivi de 1.500 hommes d’armes, et se dirige, dès le 31 mai, vers Dijon. En effet, son départ est précipité, en raison d’heureuses nouvelles reçues, Dijon s’étant déclaré en sa faveur.
Il n’a même pas eu le temps de demander aux habitants de Troyes, l’argent dont il a besoin. Mais dès le lendemain de son départ, le bailli de Troyes réunit le corps de ville et les plus notables bourgeois pour leur demander de prêter au roi une somme de 20.000 écus. Les habitants en offrent 10.000, et le maire est chargé de répartir à titre d’emprunt forcé, le solde, sur les " aysés " de la ville.
Le séjour rapide de Henri IV à Troyes prend une importance qu’il n’a pas eu à son origine, quand les arquebusiers recommandent à Linard Gonthier d’en faire le sujet de ses peintures. Ils veulent ainsi attester leur fidélité au roi Louis XIII, en exaltant le fondateur de sa dynastie.
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