En août 878, s’ouvre à Troyes un concile convoqué et présidé par le pape Jean VIII en personne, en présence du roi de France Louis II, dit Le Bègue.
On s’expliquerait mal ces augustes présences, si n’étaient rappelés quelques éléments antérieurs et plus spécialement la situation tragique que connaissent alors les deux hôtes illustres de la cité troyenne.
Louis le Bègue, 32 ans, appelé parfois le Fainéant, passe, de l’avis unanime pour un homme " simple et doux, aimant la paix, la justice et la religion ". Son père Charles le Chauve lui légue à sa mort son royaume, mais, à cette époque, seule, l’adhésion des évêques et des grands féodaux peut ouvrir au prétendant, le chemin du trône.
Louis n’ignore rien de ces réalités, et c’est à coups d’abbayes, de comtés et de domaines, distribués à bon escient, qu’il se ménage des fidèles, susceptibles de lui accorder le consensus dont il ne saurait se passer.
De telles largesses ne peuvent manquer de porter leurs fruits, et Louis le Bègue est couronné roi de France, en 877.
Jean VIII est " d’une autre trempe que le roi de France : homme d’énergie peu commune, qui entend assumer toutes les responsabilités que lui confère son magistère ".
C’est bien en sa qualité de chef suprême de l’Eglise, qu’à ce concile, il souhaite décider notamment de la succession impériale et de la protection du domaine pontifical.
Fort décevant, seuls 30 évêques et 3 prélats italiens répondent à l’appel du pape.
Avec cette participation étrangère si réduite, les graves problèmes sont laissés en suspens, au bénéfice de questions moins complexes, visant l’administration et la discipline ecclésiastique.
Quelques problèmes sont résolus : Lambert de Spolète ayant trahi le pape est excommunié. Par contre, l’évêque de Laon, déposé en 871, obtient sa réhabilitation, encore que emprisonné au moment de sa disgrâce, il ait eu les yeux crevés par ses ennemis. Vendeuvre relevant du diocèse de Langres, réintègre notre diocèse…
A s’en tenir à ce bilan, en vérité fort modeste, des actes du concile de Troyes, on serait tenté de croire que les décisions qui y furent arrêtées demeurèrent de bien médiocre portée. Ce serait oublier que les délibérations d’une telle assemblée se doublent d’entretiens officieux, de négociations parallèles menées dans les " couloirs ", et dont les conséquences sont décisives.
Le comportement de Jean VIII dans notre ville est à cet égard des plus révélateurs.
Ces délicates négociations, menées en dehors des sessions officielles, constituent la face cachée du concile de Troyes. Elles en révèlent le véritable enjeu et lui confèrent une indéniable valeur historique, et expliquent la fameuse cérémonie du sacre royal.
Louis le Bèque est de nouveau couronné empereur par le pape Jean VIII, le 7 septembre 878, en notre église Saint-Jean (et non le 4 août comme certains historiens l’ont écrit !).
Un précieux vitrail commémore cet événement. Il est sérieusement endommagé lors du terrible orage du 16 mai 1728 (qui détruit 20.000 ardoises, 76.000 tuiles et plus de 100 toises de vitraux dans cette seule église).
Le 26 mai 1872, en présence du préfet et d’une foule considérable, Monseigneur Ravinet, évêque de Troyes, bénit le vitrail du sacre " si parfaitement restauré qu’on n’en distinguait à peine les parties rénovées ".
En fait, la verrière est entièrement neuve. Elle est aussi entachée d’une foule d’erreurs, le peintre-verrier y ayant transposé, avec un incroyable sans-gêne, les sujets et les personnages.
Les protagonistes de ces événements de 878, connurent un sort funeste.
Le jour du vendredi-saint 10 avril 879, meurt Louis le Bègue à l’âge de 33 ans et au terme de deux années d’un règne éphémère.
Dès février 881, le pape Jean VIII se voit contraint de sacrer empereur l’indolent Charles le Gros, fils de Louis le Germanique. L’année suivante, il périt tragiquement, le crâne défoncé à coups de marteau par l’un de ses familiers.
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