Louis-Philippe 1er, monté sur le trône de France après les journées de 1830, entreprend l’année suivante, la visite de son royaume. Dans le journal « L’Aube » du 10 juin 1831, le Préfet annonce : « Dédaignant la pompe et l’appareil, il veut être accueilli comme un père, sa visite doit être une fête familiale ». Le maire, M. Payn exprime au Conseil municipal « son regret de ce que la pénurie extrême de la Caisse municipale ne permette pas de faire les frais d’une fête qui puisse répondre à la grandeur de son objet et à l’amour des Troyens pour le Roi des Français ». Plusieurs personnes manifestent le désir d’ouvrir une souscription pour offrir un bal au Roi (10 F pour les messieurs, 5 F pour les dames). Le Conseil municipal, considérant que si la classe aisée s’abandonne à son enthousiasme et « à toute l’ivresse de la joie que doit causer la présence d’un Roi », il semble juste que les pauvres puissent fêter un prince infiniment bon et populaire, et il décide la distribution aux pauvres de 6.000 livres de pain de 1ère qualité (les bons délivrés aux indigents, en temps ordinaire, ne donnent droit qu’à du pain de 3ème qualité). Le Maire demande aux industriels de préparer une exposition des produits de l’industrie troyenne. Une lettre est adressée aux épouses des notables de Troyes : « Nous avons résolu d’offrir un bal public au Roi et de le faire recevoir à son entrée dans la salle de l’Hôtel de Ville par une députation de jeunes personnes chargées de lui présenter un bouquet. Nous désirons vivement que votre fille fasse partie de cette députation. Un costume blanc, uniforme, quelques signes distinctifs, sont les seules obligations imposées aux personnes qui voudront bien accepter l’invitation ». On devine la joie des jeunes filles ainsi sollicitées, l’orgueil des mamans et la jalousie des… ignorées ! Sur les murs du grand escalier, on inscrit ces devises flamboyantes d’or : « Vive le Roi des Français » et « Liberté – Ordre Public… ». Le 27 juin, 2.888 gardes nationaux en grande tenue arrivent à Troyes, venant de 60 communes du département. Ils sont logés chez l’habitant. Le 29 au matin, les dames de charité font la distribution du pain aux pauvres. A 15 heures, un détachement de la garde à cheval se porte au devant du Roi sur la route de Piney et à 16 heures, le Maire et le Conseil Municipal vont attendre le visiteur à la porte Saint-Jacques, où les artilleurs ont installé leurs pièces. Mais, le temps passe, la nuit approche, et le Roi n’arrive pas ! Enfin, il se présente à 20 h 30, à cheval, accompagné du Préfet (qui a été l’attendre à la lisère du département), de ses 2 fils, le duc d’Orléans en tenue de colonel de Hussards, et le duc de Nemours en uniforme de lancier. Suivent le Maréchal Soult, ministre de la guerre et Président du Conseil, le comte d’Argout, le maréchal Gérard et plusieurs officiers généraux. Le Maire l’accueille : « … Jadis, cette présentation n’était qu’une vaine formule d’adulation : aujourd’hui, elle est l’expression vraie de la confiance que nous inspire votre loyauté et du dévouement que nous portons à votre auguste personne. Vive le Roi ! Vive la Liberté ! ». Le Roi répond par des paroles de paix et d’union, et le cortège, précédé par la garde à cheval se met en route, au milieu d’une haie formée par les gardes nationaux et le bataillon d’ouvriers, tandis que retentit une salve de 42 coups de canon et les cris d’enthousiasme de la population. A la Cathédrale, le Roi est reçu par l’Evêque et tout le clergé, puis il se rend à la Préfecture, où ont lieu les réceptions protocolaires. Ensuite, le Maire vient offrir au souverain l’hommage de la Ville de Troyes : «… nous attendons de votre sagesse et du patriotisme éclairé des Chambres la loi qui fixera nos attributions… nous attendons aussi avec calme le développement progressif de nos institutions… nous souhaitons l’achèvement du canal de la Haute Seine, si nécessaire à la prospérité du département et à l’embellissement de notre ville… Le commerce souffre, les manufactures languissent, de grands sacrifices ont été imposés à notre Cité...». Dans sa réponse, le Roi promet au Maire, pour la Ville, son buste en marbre. Louis-Philippe écoute ensuite de nombreux discours : Principal du Collège, Procureur du Roi, Evêque, Colonel de la Garde Nationale, Présidents de la Chambre de Commerce, de la Chambre d’Agriculture, du Conseil des Prudhommes, des Maires de Bar-sur-Seine et d’Arcis (qui évoque les malheurs de 1814 dans sa région). Ensuite, dîner à la Préfecture de 100 couverts. Le public est admis à circuler autour des tables pendant le repas. A minuit, le Roi remonte à cheval et se rend à l’Hôtel de Ville où l’attendent 360 messieurs et 180 dames pour ouvrir le bal. Louis-Philippe rentre à la Préfecture et en repart à 1 h 30, pour Paris, exigeant l’incognito, en disant : « la brave garde nationale est bien assez fatiguée de la journée, il faut au moins qu’elle se repose cette nuit ». A Troyes, quelle déception ! Déception des dames, au bal, en raison du départ quelque peu précipité des princes, déception des gardes nationaux, qui, empêchés de manœuvrer devant le Roi, par suite de l’obscurité, espéraient montrer le lendemain leur savoir militaire, déception des organisateurs de l’Exposition industrielle que Louis-Philippe ne visita pas. Le Roi avait promis son buste en marbre au Maire de Troyes, pour être placé dans la grande salle de l’Hôtel de Ville. Le 3 juillet, le Maire écrit au Ministère du Commerce, demandant que l’exécution du buste royal soit confiée à Simart notre grand sculpteur troyen. On sait que Louis-Philippe était économe à l’excès. Il trouva un moyen pour concilier son intérêt et le respect de sa parole : il envoie son buste en plâtre au Préfet pour qu’il le remette au Maire. Les invités, les conseillers municipaux se réunissent dans la grande salle de l’Hôtel de Ville, en pantalons clairs, redingote, grands cols montants, hauts de forme, graves et recueillis. Le Préfet arrive et solennellement remet au Maire le buste en plâtre dû à la munificence du Roi. Ce buste, les invités placés assez loin le voient à peine, car il mesure 20 centimètres de haut sur 9 de large, et son poids ne dépasse pas le kilo ! Le Maire de Troyes, en recevant ce « royal » présent, pensa que le Roi s’était « fichu… royalement de lui et des Troyens ! ». Il écrivit le 18 octobre au Président du Conseil des Ministres, député de l’arrondissement de Troyes, Casimir Périer, lui réclamant de nouveau le buste en marbre promis par Louis-Philippe, et recommandant chaleureusement le jeune Simart qui venait d’obtenir le 1er second prix de sculpture.
Je n’ai jamais trouvé aucune réponse à cette demande, et le buste de marbre de Louis-Philippe 1er, roi des Françaix, n’orna jamais la grande salle de l’Hôtel de Ville de Troyes.
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