Les premières pointes de flèches, silex taillés datent de la période néolithique. Mais, si l’homme a eu idée de tailler une pointe de pierre, il paraît évident que la flèche, donc l’arc, pré existait. L’arc était donc déjà utilisé il y a 10.000 ans.
Ce chapitre célèbre une triple tradition : tradition humaine, tradition nationale, tradition champenoise.
Cette arme est certainement la plus ancienne de toutes : il en est fait mention dans l’Ecriture et la Fable en attribue l’invention à Apollon, frère jumeau de Diane.
En France, il existait de nombreux corps d’archers. Charles VII établit un corps de franc-archers, les uns à pied, les autres à cheval, ainsi nommés parce qu’ils étaient francs (exempts) de tout impôt.
Dans notre région, par lettre de 1367, Charles V encourage l’établissement dans tout le royaume de compagnies d’archers et d’arbalétriers. Toutes les villes de la Champagne méridionale connurent ce type de « gens d’armes », ainsi que les arquebusiers, apparus à Troyes en 1483.
Après le triomphe de la poudre à canon et la chute de l’Ancien Régime, le noble office d’archer est devenu ce que nos aïeux appelaient « desport », c’est-à-dire un jeu.
Pourtant au cours de la campagne de 1814, on put voir des archers cosaques au pont de Lesmont !
Ce sport a été officiellement créé par édit royal en 1237. Louis IX, dit Saint-Louis, fut membre de la première Confrérie de l’Arc.
C’est Charles V qui, par ordonnance de 1369 fit obligation à ses sujets « de prendre leurs jeux et esbattements à eux exercer et habileter au fait du traict d’arc ou d’arbalestre, ès beaux lieux et places convenables à ce…», leurs interdisant, sous peine d’amende, les jeux de tables, quilles, palets, soules et billes.
Le roi condamne donc les jeux de hasard et consacre le jeu de l’arc comme le plus important de tous les jeux, en raison de sa valeur pour la formation morale et physique de l’individu et en raison des services que pouvaient rendre des archers entraînés, pour la défense de la cité.
Férus à la fois d’activités gymniques et de respect du passé, les adeptes barsuraubois du tir à l’arc n’ont pas manqué de souligner cette ambivalence. Ce furent successivement, la création du « Réveil des Archers » en 1898, et en 1960, celle de « Diana-Sports ».
La compagnie des arbalétriers de Villenauxe reçut en 1782, une lettre qui invitait ses membres à participer au « Prix du noble jeu d’Arc de Long-Périer, selon le beau plaisir de Mgr de Boisgelin, abbé de l’abbaye royale de Chaales ».
Les arbalétriers vinrent ensuite, puis plus tard, les arquebusiers. Les 2 ont souvent cohabité. Les uns et les autres usaient de leurs flèches.
Ils avaient adopté comme patron saint Sébastien qui mourut percé de flèches. Ce patron des archers, des fantassins et des policiers, considéré comme une icône homosexuelle à partir du XIX° siècle, a pu être considéré, à partir des années 1980, comme un intercesseur contre l'épidémie du sida, particulièrement au sein de la communauté homosexuelle, alors que les arquebusiers qui faisaient parler la poudre, se réclamaient de saint Georges, saint Antoine, sainte Barbe ou saint Laurent.
Au XVIII° siècle, on signale un peu partout dans l’Aube, des compagnies de tir à l’arc, principalement à Merrey-sur-Arce, Rigny-le-Ferron et Neuville-sur-seine. Mais il en existait bien d’autres dans notre département.
La tradition a voulu et fait que subsiste le jeu de l’arc, bien qu’il ait été, en un temps, concurrencé par l’arbalète et l’arquebuse. C’est en pays baralbin, sur la rive droite de l’Aube, que la tradition du jeu d’arc est demeurée la plus vivace entre 1900 et 1939. C’est aussi à Bar-sur-Aube qu’elle s’est perpétuée après la dernière guerre.
Le règlement de ce jeu, adopté par les compagnies auboises, date du XVIII° siècle et a été édicté « sous le bon plaisir de Monseigneur de Pomponne, abbé de l’abbaye royale de Saint-Médard de Soissons, grand maître de tous les jeux d’arc du royaume… à cause des reliques de saint Sébastien, conservées dans ladite abbaye ».
Contrairement à ce qu’imposaient les édits royaux des XIII° et XIV° siècles, il ne s’agit plus que les archers s’entraînent au maniement d’une arme indispensable à la défense de la cité, mais qu’ils s’adonnent en toute liberté à « un noble jeu inventé pour la récréation des chevaliers ».
Ces statuts ne comportent pas moins de 44 articles dont certains prennent presque 1 page. C’est dire que tout y a été scrupuleusement étudié, que rien n’y est laissé au hasard et que tous les cas semblent prévus pour que tout se déroule sans heurts.
La compagnie se ressent de ses origines militaires. Si le roi est désigné comme la première personne du « jardin » (lieu où se réunissent les chevaliers, qui s’apparente au Jardin d’Adam dans le Paradis terrestre), ce sont 3 officiers qui viennent immédiatement après lui : le capitaine, un lieutenant et un enseigne.
Le capitaine est chargé « de la conduite de tous les chevaliers qui seront tenus de lui porter respect, de lui obéir, en tout ce qu’il commandera et défendra en ce qui regardera le jeu, à peine de 12 deniers par chaque contravention pour la première fois, de 2 sols 6 deniers pour la seconde, de 5 sols pour la troisième et, en outre, destitution de leur charge s’ils en ont. En cas de contumace seront retranchés de la compagnie sans espérer n’y pouvoir jamais rentrer ». Les 3 officiers en chef « une fois choisis et nommés par la compagnie, à la pluralité des voix, ne seront plus amovibles, à moins qu’ils ne tombent dans quelque faute grave qui mériterait qu’on les retranche de la compagnie pour toujours ». Ces officiers en chef sont assistés de 3 officiers subalternes : 1 trésorier, 1 greffier et 1 sergent. Il s’agit d’une organisation très hiérarchisée, à la manière militaire.
La compagnie possède son drapeau qui l’accompagne dans toutes ses manifestations, ainsi que son tambour. « Toutes fois que la compagnie sera assemblée pour quelque cérémonie, la cérémonie finie, ladite compagnie reconduira le roi et le capitaine seulement, chacun d’eux chez lui, enseigne déployée et tambour battant ».
La société s’appuie sur les principes de la religion et se veut d’accord avec la morale que prêche l’Eglise : « Aucun ne sera reçu chevalier qu’il ne soit de religion catholique, apostolique et romaine, de bonne vie et mœurs… Défense est faite à tous chevaliers de tirer à l’arc les jours de Noël, Pâques, Pentecôte, Assomption, Toussaint et Saint-Martin comme aussi pendant aucun office divin quelque jour de dimanche ou fête que ce puisse être… Point de juron… Celui qui profèrera quelque injure, parole et chanson déshonnête dans le jardin ou s’y laissera aller à quelque jurement, paiera 6 deniers d’amende. Et si quelqu’un était assez osé de jurer le saint nom de Dieu, pour la première fois paiera 10 sols d’amende, la deuxième fois 20 sols et la troisième sera chassé de la compagnie… Défense sont faites à tous officiers et chevaliers de tirer sur la tourterelle ni pigeon blanc (parce qu’ils sont l’emblème du Saint-Esprit). Ytem est défendu de prononcer le mot de diable dans le jardin et partout ailleurs où la compagnie sera assemblée…
Toutes les amendes seront mises dans une boîte avec les autres deniers du jeu, lesquels seront partagés en 2 moitiés dont 1 sera pour faire dire des messes en l’honneur de saint Sébastien pour tous les officiers et chevaliers de la compagnie, vivants ou trépassés…».
Des règles strictes assurent la sécurité des tireurs et des spectateurs : « Aucun chevalier ne tirera qu’il ne dise avant le départ de sa flèche le mot : Gare, gare, d’une voix intelligible à tous les assistants, faute de quoi son coup sera nul, et responsable de ce qui pourrait s’en suivre s’il blessait quelqu’un… Aucun officier ni chevalier ne portera dague, ni poignard, ni autre bâton dangereux dans le jardin et partout où sa compagnie s’assemblera à peine de 12 deniers d’amende et chassé hors dudit jardin, et lesdits poignards ou autre chose seront confisqués et vendus au profit et valeur mis dans la boîte… Le roi, s’il a une amende, la paiera triple. Le capitaine, le lieutenant et l’enseigne la paieront double… Aucun chevalier ne pourra tirer qu’il n’ait la tête couverte d’un chapeau ou bonnet, à peine de nullité des coups et 6 deniers d’amende…».
La société d’arc est aussi une société secrète. Le secret lie les chevaliers entre eux et les engage à une solidarité certaine : « Le nouvel élève ne pourra prétendre aucun rang qu’il n’ait atteint 25 ans accomplis et on ne lui apprendra le secret qu’à cet âge… Aucun officier ou chevalier ne révélera jamais le secret du serment, à peine de 6 deniers d’amende, de ponction exemplaire qui sera décernée par le capitaine immédiatement, et non devant aucun autre, sera traduit le délinquant pour son procès fait et parfait, s’y voir condamner et au surplus, chassé du jeu d’arc sans espérance d’y jamais rentrer…».
A travers ces statuts, on devine l’esprit et le code d’une société dont les membres acceptaient librement une certaine contrainte pour l’honneur de porter « une médaille d’argent avec ruban rouge à la boutonnière de leur habit », médaille qui pouvait leur être retirée dans le cas où ils auraient commis « une action indigne de l’ordre ».
Tous les ans, chaque pays organisait son tir. Le premier se tenait à Voigny le 1er dimanche de mai, à l’Ascension on tirait à Colombé-le-Sec, Colombé-la-Fosse se réservait le dimanche de la Pentecôte…
La désignation d’un Roi est l’acte essentiel, annuel, en chaque compagnie d’archers. C’est le premier personnage avant le capitaine, à lui sont dus tous les honneurs : « celui qui sera Roi du jeu fournira et rendra le pain bénit, le jour de la fête de saint Sébastien, qui ne pèsera jamais moins de 4 livres ».
Chaque confrérie se réunissait en son pays au mois de janvier, pour fêter la Saint-Sébastien. Cela consistait « en une grand-messe, en un honnête banquet, suivi presque toujours d’une sauterie ». A Voigny, on avait coutume de distribuer, à l’issue de la cérémonie religieuse, des petits pains dits de saint Sébastien. Ces pains étaient réputés ne jamais moisir et protéger le foyer tout au long de l’année. On les brûlait dans l’âtre, à la saint Sébastien suivante. Ce même jour, le bâton du saint était rapporté à l’église par celui qui l’avait acquis aux enchères de l’année précédente. La somme recueillie était destinée à la caisse de la société.
Les chevaliers de saint Sébastien : au XIX° siècle, seuls les hommes avaient le droit de tirer à l’arc et tous les archers appartenaient obligatoirement à la confrérie de saint Sébastien. Pour y être admis, il était indispensable d’être présenté par un parrain et demander à être « adoubé Bastien ». C’était une opération complexe et secrète. Seul un candidat d’une parfaite moralité pouvait être admis. L’adoubement était une véritable initiation qui durait plus d’une heure, en présence de 2 témoins. On avait déposé sur la table, un arc, des flèches, du vin, du pain et du sel. La deuxième partie se déroulait en chambre obscure, les yeux des futurs chevaliers étaient recouverts d’un bandeau. Après avoir absorbé la « boulette » composée de mie de pain, de sel et de poivre, le nouveau promu apprenait le geste du secret, secret qui devait le lier à ses confrères, aussi bien ceux de la localité que les autres, à quelque confrérie d’arc qu’ils appartiennent. Pour s’aborder entre chevaliers : « vous présentez la main, vous touchez de votre grand doigt dans le milieu de la main de celui qui vous le demande… ».
Chaque année, les archers « tirent le Roi ». Pour cela, ils utilisent un petit oiseau de bois placé devant le centre de la cible ou perché au sommet d’un mât de 20 mètres de haut qu’ils appellent le « papegay », en vieux français papegai (1155), papegait (1277), papejaie (XII° siècle), qui désignent le perroquet.
De nos jours, le jeu d’arc est devenu un sport. L’arc en bois n’existe pratiquement plus. Les engins actuels sont faits de duralumin, de fibres de verre, de plastique, ils sont légers. Les flèches en bois, en zicral, en acier ou en fibres de verre sont calibrées de telle façon que le tir ne puisse varier, comme autrefois, selon la flèche utilisée.
Comme pour tous les sports, une fédération regroupe les compagnies, qui possèdent un terrain de tir qui comprend 2 buttes éloignées de 50 mètres. Elles se font face, assorties chacune d’une cible, et protégées par des constructions de bois appelées « gardes » destinées à neutraliser les flèches perdues. Le centre de la cible doit se trouver à 80 cm du sol.
Merci à M. Rajon qui m’informe en janvier 2018, que de 1820 à 1827, c’est le sieur Baillot qui dirige la société de tir, et que l’un de ses ancêtres était arquebusier en 1880, le sieur Rajon.
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