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Château de Pâlis


 

Le château de Pâlis ne se distinguait au moment de la Révolution, ni par la beauté de son architecture, ni par la richesse de son mobilier, ni par l’ampleur de ses jardins. Il ne pouvait rivaliser avec les châteaux de Villacerf, de Brienne et de la Chapelle-Godefroy, mais il renfermait une bibliothèque justement renommée.

 

Ce château, après avoir appartenu au Moyen-âge aux familles de Mailly et de Brouttières, avait été cédé à la fin du XVII° siècle par Georges de Boucher à François Desmarets. Les descendants de ce dernier le possédaient encore en 1793.

 

La maison d’habitation était placée entre une cour et un jardin entourés de murs. Au-devant s’étendait un verger enclos de haies vives, dont la contenance, avec celle de la cour et du jardin, était de 7 arpents (1 arpent = 12,5 ares, 1 are = 100 m²). Dans la cour, s’élevaient un colombier à pied, des écuries et des étables, dans lesquelles se trouvaient, en 1792, 8 chevaux, 7 vaches et 129 moutons.

 

Le dernier seigneur de Pâlis, bien qu’il fut maréchal-de-camp des armées du roi, faisait valoir directement les 600 arpents de terres dont il était propriétaire.

 

Outre ces 600 arpents, la seigneurie de Pâlis comportait avec 100 arpents de bois, les droits seigneuriaux. Ces derniers comprenaient les produits de la justice locale, des redevances en nature payées par le produit des droits d’usage, la moitié du terrage qui consistait en 1 boisseau (20 litres) de grain payé pour chaque arpent emblavé, les banalités de moulin et de pressoir, et 2 jours de corvée par an qui devaient être fournis par tous les habitants, hommes et femmes. Ces droits étaient onéreux et souvent vexatoire pour la population qui en payait d’autres au duc d’Estissac et de Villemaur, seigneur en partie de Pâlis.

 

Le château de Pâlis était surtout une résidence d’été pour la famille Desmarets, qui, après avoir eu une maison à Troyes, possédait un hôtel à Paris, rue de Jouy, sur la paroisse Saint-Paul.

 

L’intérieur du château de Pâlis était meublé avec simplicité, mais le confortable n’y faisait pas défaut. De nombreuses chambres à coucher, où l’on pouvait remarquer des lits garnis en étoffe de camelot sur soie, se trouvaient au 1er étage. Au rez-de-chaussée était une salle de bain. Les 2 seules pièces importantes de la maison étaient le salon et la bibliothèque. Le salon était vaste, il renfermait 20 fauteuils couverts de tricot sur soie que garnissaient des housses en siamoises. La pièce qui renfermait la bibliothèque était garnie de meubles anciens. Les murs étaient tendus de vieille étoffe de soie rayée vert et rouge. Un tableau représentant la « Passion de Notre-Seigneur » en ornait un panneau.

 

Les livres étaient rangés sur 18 tablettes et dans 2 armoires. La bibliothèque renfermait, outre des manuscrits précieux, une collection remarquable de livres classiques imprimés au XVI° siècle. Les auteurs classiques, la jurisprudence et la théologie y dominaient. Parmi les auteurs français, il y avait une édition de « Ronsard » de 1623, regardée comme l’édition la plus complète existante des œuvres de ce poète, un exemplaire des « Illustrations de Gaule et singularités de Troyes », de Lemaire de Belges, datée de 1549, la traduction « des Métamorphoses d’Ovide » de 1543, les « Œuvres de Plutarque » en 4 volumes… On trouvait également « 57 manuscrits, dont 37 couverts de parchemin et le surplus de peau jaune et violette et de carton, concernant la ville de Troyes, comté de Champagne… ».

 

La plus grande partie de cette collection, avait appartenu aux Pithou, et quelques manuscrits avaient été écrits par eux.

 

Comment cette collection précieuse était-elle arrivée au château de Pâlis ?

 

François Pithou avait laissé par son testament sa maison au collège de Troyes, avec tous les meubles et livres qui s’y trouveraient. Il avait choisi pour exécuteur testamentaire « son singulier ami » Antoine Allen, qui était conseiller au bailliage de Troyes. Les livres et les manuscrits ainsi attribués à Allen passèrent, à sa mort, à son gendre Claude Desmarets, avocat au bailliage de Troyes. Ce fut son fils François, avocat comme lui, qui acheta le château de Pâlis et qui y transporta les livres qui s’y trouvaient encore à l’époque de la Révolution. François Desmarets ajouta à ces livres ceux qu’il avait recueillis de la succession du dernier des Pithou, après que celui-ci l’eut institué son légataire universel en même temps que les hôpitaux de Paris.

 

François Desmarets rédigea un catalogue des manuscrits des Pithou, conservés dans la bibliothèque du Collège de Troyes, dans celle de Le Peletier et dans la sienne. Il s’y trouvait des lettres du cardinal de Lorraine, des lettres du pape Léon X écrites au Chancelier de France Duprat (cardinal légat), à l’occasion du Concordat…

 

Un des plus précieux manuscrits du château de Pâlis, le « Commentaire de Pierre Pithou sur la Coutume de Troyes », fut recueilli dans la bibliothèque de M. Jacques-Edme Regnault de Beaucaron (voir ce chapitre).

 

La maison d’habitation du château a été entièrement démolie, la cour et les bâtiments d’exploitation ont été partagés. Le jardin, également divisé, conserve seulement quelques anciens murs. De l’ancienne importance du château, il n’est resté que 3 petits canons, rongés par la rouille, qui n’ont d’autre valeur que celle du métal.

 

Dans le riche et industrieux village au milieu duquel il s’élevait, on n’a gardé aucune tradition de la bibliothèque, on n’a trouvé aucun des livres qui la composaient.

 

Cependant, le souvenir de cette précieuse collection mérite aux yeux des érudits de préserver de l’oubli le château de Pâlis, parce qu’il leur rappelle les noms des Desmarets et des Pithou.


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