Le château de Villebertin était au XVIII° siècle, un des plus importants des environs de Troyes. Depuis le XVI° siècle, il appartenait à l’ancienne famille champenoise de Mesgrigny. Sous Louis XV, ses vastes bâtiments, construits sur les bords du ruisseau de l’Hozin, étaient couverts de tuiles communes et de tuiles plombées, et flanqués de 2 tourelles carrées couvertes d’ardoises de Saint-Louis. On y pénétrait par un escalier de pierres de Tonnerre en forme de perron, abrité sous un auvent garni « de petites ardoises taillées avec plomb sur les "arrêtiers" ». A l’intérieur, à côté d’un escalier de bois à 4 rampes, s’ouvraient une salle à manger garnie de petits carreaux et une autre grande salle « plancheyée ». En 1372, à la mort de Nicolas de Mesgrigny, cette grande salle, tendue de 7 pièces de tapisserie façon Châtillon, était ornée de 2 portraits d’empereurs et d’un grand tableau « où était dépeint Moïse », et qu’on estimait à 50 livres. C’était le tableau que Jérôme de Mesgrigny, à son retour de Terre Sainte, avait fait exécuter à Bologne par un des Carrache. La pièce, munie de tapis de Turquie, était garnie d’un « lit de salle » et de sièges recouverts de moquette. Avec la grande salle communiquait la chambre à coucher du seigneur, tendue de tapisserie de haute lisse, avec un lit tapissé de damas cramoisi et un grand miroir garni d’argent. Dans les autres chambres, qui étaient assez nombreuses, on remarquait quelques meubles de luxe, tels « qu’une cassette de nuit de bois de la Chine garnie de cuivre doré », un « sac de tabis incarnat garni de dentelle d’or et d’argent, une montre d’argent propre à mettre sur la table ». Au second étage se trouvait une chapelle munie de ses ornements, et qui était dédiée à la Nativité. Tout dans le château et ses dépendances, où 12 chevaux étaient enfermés dans les écuries, attestait la vie large et noble qu’on y menait. En 1725, après la mort de l’abbé de Mesgrigny, la terre de Mesgrigny fut mise en vente par licitation, et reprise moyennant 55.100 livres par un des membres de la famille. Le château n’avait pas été modifié depuis la mort de Nicolas de Mesgrigny. En 1733, son état d’entretien laissait même à désirer, mais il devait recevoir d’importants agrandissements dans le cours du siècle. A l’époque de la Révolution il avait été transformé selon le goût du jour. La grandeur des glaces, le nombre des meubles (2 canapés, 4 bergères, 24 fauteuils, 4 voyeuses en tapisserie brodée à l’aiguille), indiquaient des habitudes de luxe et de large hospitalité. Comme dans la plupart des grands châteaux du temps et de la région, à Brienne, à la Chapelle-Godefroy, à Chacenay, par exemple, on avait construit à Villebertin une salle de comédie. 15 chambres à coucher, numérotées comme au château de Brienne, étaient destinées à recevoir les hôtes, et l’on peut avoir une idée de la largeur avec laquelle ils étaient traités, en sachant que les caves renfermaient 5 muids (1 muids = 300 à 500 litres) de vin d’Espagne. A la Révolution, de très beaux tableaux sont transportés à Troyes, à l’Hôtel de Vauluisant, qui appartenait à la famille de Mesgrigny. En effet, leur propriétaire pensait que transportés dans une résidence urbaine, ils y seraient plus en sûreté que dans un château isolé, exposé aux attaques et aux déprédations des révolutionnaires. Et il ne se trompait pas. Dans les jardins, transformés en parc anglais, et dans l’un des bosquets, on avait disposé, dans un labyrinthe, différentes statues : 1 ermite en terre rouge, 1 Bacchus sur 1 tonneau et un pêcheur. En avril 1794, à la suite de l’émigration des frères de Mesgrigny, le mobilier du château de Villebertin fut mis en vente. Plusieurs des révolutionnaires les plus ardents de Troyes allèrent à cette vente comme à une partie de plaisir. Quelques sans-culottes se rendirent dans le labyrinthe, et, après leur passage, on put constater que les 3 statues gisaient en morceaux au bas de leurs piédestaux. Après la chute du régime de la Terreur, les vandales furent poursuivis. Le jury les déclara coupables d’avoir brisé les statues et les condamna à 2 ans de fers et à l’exposition préalable de 6 heures sur une place publique de Troyes.
Le château passa ensuite à la famille du comte du Parc. Son épouse était originale : elle tenait l’harmonium le dimanche à l’église de Bûchères, en fumant le cigare ! Le comte avait une fille et 2 fils, les vicomtes Bernard et Maxime. Aucun n’eut de descendance. Le château revint au vicomte Bernard. A son décès, il y a ½ siècle, Maître Pierre Jonquet notaire à Troyes, fit une magnifique vente du mobilier pendant 3 jours sous des tentes de l’armée (j’ai acheté 6 belles chaises « à la gerbe »). (Voir dans « crimes », « Mystère au château de Villebertin »). Acheté par Pierre Jonquet, qui avait fait une société, le château de Villebertin, abrite maintenant les bureaux de la Compagnie Lesaffre International.
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