Métiers anciens



Joueurs de viole de Gambe


Au Musée des Beaux Arts de Troyes, un important tableau illustre la visite que fit Louis XIII à Troyes en septembre 1630.

 

Dans la partie gauche de la toile, le roi est entouré d’un groupe  de seigneurs aux riches habits, sous les ombrages du jardin du Vouldy. A droite, un ensemble de 8 jeunes musiciens, joueurs d’instruments et chanteurs, vêtus de robes noires, dirigé par un prêtre coiffé de la Collégiale Saint-Etienne, conduits par leur maître Etienne Bergerat, régalant le roi Louis XIII d’un concert de musique religieuse. Les instruments des musiciens sont tenus debout entre leurs jambes, à peu près à la manière de l’actuel violoncelle. Ces instruments sont des « Violes de Gambe ».

 

         Cet instrument ancien est peu familier à notre époque. Pourquoi « viole de gambe » ? Parce que l’Italie, terre des luthiers, nous a légué le terme « viola gamba » (viole à jambe), allusion à la tenue de l’instrument.

 

         L’instrument classique est monté de 6 cordes, plus fines que celles des violons, elles répondent exactement au système d’accord du luth, on peut le définir : un luth à archet.

 

Les violes ont été dès l’origine utilisées en différents formats, répondant à différents degrés de l’échelle sonore. Pour accroître leurs possibilités, une septième corde «  La », lui fut ajoutée à la fin du XVII° siècle.

 

Le timbre de ces instruments est bien particulier. Restant toujours très clair, du fait des frettes transformant, tels des sifflets, les cordes comprimées en « cordes à vide », il se caractérise également par sa douceur. Le volume sonore est moindre que celui de violons et des violoncelles. La viole supporte donc très bien le mélange avec les voix, clavecin, luth, flûtes à bec ou traversières. Par contre, elle est facilement couverte par le matériel orchestral moderne, violons, bois, cuivres et piano.

 

         Les violes de gambe furent répandues dans toute l’Europe à l’âge baroque. Toutefois, dès la seconde moitié du XVII° siècle, les violons prirent nettement le pas sur elles en Italie. Par contre, l’Angleterre eut pour elles un engouement extraordinaire, de l’époque élisabéthaine à la fin du XVIII° siècle. En France, de même, elles se maintinrent jusqu’au milieu du XVIII° siècle, tant leur caractère correspondait bien aux traits et aux goûts de l’âge baroque français. Troyes ne fit pas exception à ce courant.

 

         Le tableau Bergerat nous apporte la preuve que les violes étaient employées à Troyes, au début du XVII° siècle, dans la musique religieuse, pour remplacer ou soutenir les chanteurs.

 

Ceci est confirmé par la permission donnée en 1654, au maître des enfants de Saint-Pierre, d’inclure des violes dans les chœurs lorsque les chanteurs feront défaut.

 

En 1686, un chanoine de Saint-Etienne de Troyes, Odard Angenoust, possédait chez lui, à son décès, « 4 instruments de basse viole », qui servaient à la musique de la collégiale.

 

L’abbé Arthur-Emile Prévost (Prêtre chanoine du Diocèse de Troyes, Archiviste du Diocèse de Troyes, Membre de la Société académique de l'Aube en 1883) la mentionne comme « utilisée dans nos églises » aux XVII° et XVIII° siècles.

 

Dans le matériel musical d’une Académie de Musique qui fonctionnait en 1647, en l’Hôtel-Dieu Saint Bernard de Troyes, Jorrand Beaudouin, maître spirituel, « a été l’âme des joueurs de violes ».

 

En 1728, une seconde Académie de Musique fonctionne à Troyes, on trouve le nom de musiciens sociétaires, joueurs de violes.

 

Les réunions musicales d’« amateurs troyens éclairés », se complaisent au jeu de la viole, à la fin de la seconde décade du XVIII° siècle : riches bourgeois, magistrats cultivés, cet instrument a leurs faveurs.

 

Un parallèle entre viole et violon, quant à leur utilisation dans les couches sociales de notre société troyenne, conduit à la conclusion que « au XVII ° siècle et dans la première moitié du XVIII ° siècle, l’instrument de l’élite est la viole et non le violon ».

 

Il faudra la Révolution de 1789 et la disparition, avec la vieille élite troyenne, de son idéal culturel  pour porter à Troyes le coup de grâce de la viole, qui fut l’instrument favori des amateurs de musique de l’élite de notre cité.

 

Souhaitons que ce vieil instrument français, jadis en si grand honneur à Troyes, y retrouve quelque audience parmi les amateurs éclairés de musique ancienne. Nos voisins d’outre-Rhin et d’outre Manche l’ont déjà ressuscité au concert, et on l’enseigne même dans les écoles allemandes. 

 


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