Parmi les « cris » divers qui égayèrent les rues du vieux Troyes et parmi les « crieurs » qui y offrirent leurs marchandises ou leurs services, nul ne fut plus pittoresque, plus représentatif et aussi plus célèbre que « Le Père Coché ».
Etienne Coché était né à Troyes le 22 janvier 1768, dans un ménage de tisserands de la paroisse de Sainte-Madeleine, rue du Bois (rue Général de Gaulle).
Son nom véritable était Etienne Cocheri. Pour lui, il fut toujours appelé et signait Coché, ayant opté sans doute pour avoir franchisé un nom italien.
Il ne manifesta jamais une grande inclination pour le métier paternel, voire même pour toute occupation absorbante et sédentaire. C’était un « musard » industrieux, qui trouva moyen de vivre assez bien, quoique simplement, sans grands efforts, son intelligence imaginative suffisant à tout. C’était un homme « gai, sans souci, aimant les bonnes choses et le bon temps », dit un amusant article du journal satirique troyen « La Silhouette », le 4 octobre 1840, année de sa mort.
Il commence par être « servant de messe » de la paroisse Saint-Aventin, dont l’église, édifice bien modeste, se trouvait à l’angle nord de la rue Michelet et du cours Saint-Jacques. Puis il obtient le poste de sonneur et y perd même un œil dans quelque bagarre où, paraît-il, il défendait l’honneur de sa cloche. Cet accident l’empêche de s’enrôler comme soldat, carrière qu’il avait envisagée. Coché reste donc à l’église.
Il ne l’eût bien sûr pas quittée si la Révolution, en mai 1791, ne lui en avait fermé les portes, le réduisant au chômage.
Son imagination féconde pourvoit bien vite à ce contre temps.
Parti de Troyes à la recherche d’une situation sociale, il n’alla pas loin. A quelques kilomètres de la ville, il trouve le moyen de se faire passer ou de se laisser pendre pour un prêtre non assermenté fuyant la persécution. « Il serait fort difficile de vous dire, expose le biographe de notre héros, par quelle bourde il empauma les braves habitants de Vailly. Ce qu’il y a de certain, c’est que les paysans, point révolutionnaires, devinrent innocemment et avec la meilleure volonté du monde, les complices d’une fourberie exercée à leurs dépens… Coché, prêchant, exorcisant, confessant et menant joyeuse vie…».
Par malheur, il est un jour reconnu par une mendiante de passage, et doit quitter les lieux en fugitif.
Il ne dut pas être longtemps dans ce poste, car il était marié dès l’an II de la République et avait un petit garçon qui mourut à l’âge de 10 mois.
En attendant, Coché reprend le métier de tisserand et est logé rue de la Pierre, qu’il ne quittera qu’à sa mort survenue à l’Hôtel-Dieu, le 15 février 1840.
Sa première femme, car il en eut 5 légitimes, se nommait Anne Aubert. Elle mourut le 13 août 1811, après avoir eu 2 enfants. Elle fut remplacée juste 1 mois après, le 13 septembre, par Marie-Antoinette Courtaut, morte le 3 mai 1814, et remplacée « dare-dare » par Louise-Françoise Minot, mère d’une petite fille en septembre 1815, et remplacée à son tour par Marie-Anne Herluison, morte le 14 mars 1831, et que remplaça, 30 jours après, le 13 avril, Marie-Françoise Abgrall qui, elle, mourut veuve.
Il continua à remplir dans une paroisse, les fonctions de chantre, sonneur, porteur de corps, fossoyeur et « autres utilités que son bagout savait rendre plus lucratives que de raison ».
A la suite d’un « concours public », il devint « juré-crieur de vin », c’est-à-dire qu’il avait le monopole de circuler dans les rues de la ville, porteur d’une bouteille de vin et d’une tasse en indiquant à haute voix le nom et l’adresse du cabaretier ou du propriétaire de vin à vendre qui avait loué ses services, le prix auquel il se vendait et d’en vanter les qualités dont il faisait juges les passants en le leur faisant goûter.
Le visage malicieux et rubicond du crieur, une verve endiablée attestaient les qualités du breuvage annoncé.
Coché était une enseigne vivante et parlante.
Coché exerça cet office pendant au moins 30 ans, et nul ne l’y a remplacé.
Il était perçu par la ville 1,50 fr par annonce de vin dans l’étendue du territoire. La moitié de cette taxe était acquise au crieur, ceci, indépendamment bien sûr, du prix qu’il convenait avec le commerçant annonceur.
Le troyen Charles Fichot, le célèbre peintre, dessinateur, illustrateur et lithographe français, a dessiné le portrait en pied du père Coché, dans « La Silhouette » du 4 octobre 1840. Sous ce dessin, le journal a reproduit le chant du Père Coché.
Il existe également au Musée de Vauluisant un portrait peint par Mme Boutigny, assez semblable, et, à la Médiathèque une tête, joliment traitée, en gouache, par un peintre inconnu.
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