La corporation des Savetiers de Troyes aurait fonctionné dès le IX° siècle.
A une époque moins éloignée cette confrérie est attachée à l’abbaye de Saint-Loup.
Dès 1188, il y a à Troyes, une « rue de la Savaterie » (place du Marché-aux-Oignons).
Un « cul-de-sac de la Savaterie » existait dès le XIII° siècle, sans doute pour l’exposition des marchandises pendant les foires.
Les Savetiers de Troyes furent l’objet, le 3 mars 1363, d’une règlementation. Il y est déclaré que les Savetiers s’assemblaient sans en avertir la justice, et il fut décidé « qu’ils ne pourront faire œuvre de leur métier le samedi au soir à la lumière, le dimanche, ni aux fêtes de Notre-Dame et des Apôtres, qu’ils n’allumeraient pas de chandelles pour faire œuvre de marché de la Saint Remi jusqu’à Carême prenant, qu’ils ne mettront pas dehors leurs étaux le dimanche ni aux fêtes, qu’ils ne hucherons pas (appeler quelqu'un à haute voix ou en sifflant très fort) … ».
Un deuxième règlement fut promulgué par le bailli de Troyes en 1412.
Les savetiers formaient une corporation en dehors de celle des cordonniers. Ils composaient, en 1412, un corps de métier, l’un des moins riches assurément. Ces modestes industriels s’adressèrent à la cour du bailliage afin d’obtenir le règlement dont le besoin se faisait sentir. Le bailliage se rendit à leurs vœux. Dans ce règlement, il est dit d’abord qu’en l’honneur de Dieu, de la Vierge Marie, de tous les saints, « les savetiers maraudeurs établiront une confrérie dans l’église Saint-Antoine (église du couvent des Antonins, alors situés à l’entrée de la rue de Paris), du faubourg de Troyes, et y feront célébrer une messe le lundi de chaque semaine, pour le roi, sa noble lignée, ses officiers au bailliage, les confrères de la corporation, et aussi pour le salut des âmes de ceux qui sont trépassés. Pour subvenir aux frais de ce service et autres de la confrérie, chaque maître, ouvrier ou apprenti, paie chaque semaine, 1 denier.
Les savetiers ne peuvent travailler, à ouvrage de marché, le samedi soir, le dimanche matin, aux 4 fêtes de la Vierge, à celles des Apôtres, ayant jeûne, sous peine d’amende et de confiscation de l’ouvrage. En tout autre temps, il est permis de travailler pendant la journée et le soir à la lumière. Aux jours sus-indiqués, les savetiers ne peuvent étaler leurs marchandises au devant de leurs étaux, si ce n’est devant l’église de Saint-Pierre, où ils peuvent toujours mettre leur marchandise en vente. Il leur est interdit « d’appeler ou de hucher» personne pour la vente de leurs marchandises. Ils sont tenus de suspendre le travail qu’ils font pour eux-mêmes, pour faire celui qu’on leur apporte. Les malfaçons sont punies.
Tout savetier doit prêter serment entre les mains des 4 gardes. Nul ne peut crier « souliers vielz (cuir ancien)» le dimanche ou tout autre jour, s’il n’a fait son serment. Il est interdit aux savetiers de mettre en usage du cuir de cheval et de porc. Un règlement intervient, en donnant aux savetiers les lois suivantes : les savetiers feront chef-d’œuvre, les savetiers pourront user de cuir neuf, pourvu que, dans la chaussure, il y ait 1/3 de vieux cuir. Ce cuir neuf ne pourra être de cuir de cordouan ou de porc, sous peine d’amende. Les souliers de vieux cuirs seront marqués.
Lors de la promulgation du règlement de 1442, les Savetiers exposaient aussi sur des étaux au dehors de leurs maisons, et ce, sans payer de droit, ce dont se plaignaient les Cordonniers. A partir de cette date, les savetiers ne pourront étaler en public leurs marchandises, ils pourront seulement « remauder et carreler et auront le métier de remaudeur et de carreleur » à Troyes, à l’exclusion des cordonniers et basaniers qui rempièteront les housseaux (jambières). Les savetiers devront aussi dénoncer à la justice les fautes commises dans le métier de la cordonnerie et de la tannerie.
Les Savetiers participèrent aux diverses sessions des Etats Généraux, comme c’était leur droit. En 1576, le cahier qu’ils présentent commence par ces mots : « Les 4 maîtres du métier de savetier sont d’avis… Ils se plaignent contre la noblesse, ils demandent l’adoption de la religion catholique à l’exclusion de tout autre culte, une réforme générale du clergé, le paiement des dettes de l’Etat avec les biens du clergé, un règlement sur les monnaies et des réformes pour revenir au temps de Louis XII (1498-1515).
Le 29 août 1586, il y eut à Troyes, une sédition populaire. Il y avait alors une profonde misère, résultat du défaut de travail, de la peste, d’une récolte insuffisante, du haut prix des grains et de toutes les denrées alimentaires. Une bande fut formée avec les corporations les plus pauvres, dont les savetiers, qui voulaient aller piller. Il y eut de nombreuses arrestations, et pour inspirer une certaine terreur, on dressa 3 potences, l’une devant le palais, un autre à l’Etape-au-Vin (place Audiffred), la troisième au Marché-au-Blé (place Jean Jaurès).
En 1730, les Savetiers nommaient tous les ans 4 gardes et 1 clerc.
L’édit de 1745 créa 15 offices de contrôleurs inspecteurs pour les Savetiers. Aux élections municipales, les Savetiers « portaient 2 voix ».
En 1776, le « Questionnaire » énumérait les titres possédés par la communauté des Cordonniers-Savetiers alors réunis.
En avril 1782, le Marché des cordonniers est supprimé pour mettre celui des oignons, mais en revanche, on augmente le Marché de la Savaterie. Les places sont octroyées par la ville à des titulaires qui en jouissaient durant toute leur vie, et leurs veuves après eux.
Apprentis : les apprentis savetiers étaient engagés entre 10 et 15 ans, pour une période variant de 2 à 8 ans. Le maître s’engage d’enseigner ou faire enseigner à lire et à écrire. La durée de l’apprentissage pouvait être réduite du consentement des 2 parties. Un exemple : en 1745, Nicolas Marot, à qui les directeurs des Hôpitaux confiaient pour 8 ans un orphelin de 10 ans, s’engage à l’envoyer au service divin et aux catéchismes et l’élever dans la religion catholique, apostolique et romaine… Il le logera, le nourrira et l’entretiendra complètement, lui laissera toutes ses hardes à la fin de l’engagement et lui donnera de plus un habit neuf et 6 chemises neuves.
Compagnons : les engagements de compagnons sont contractés pour 1 an au plus.
N’oublions pas que Jacques Pantaléon, qui devint le pape Urbain IV, était né en 1185, d’un savetier troyen.
Je vous raconte une anecdote dont le haut-de-chausse du roi fait le sujet : lors de sa visite à Troyes en 841, la garde-robe de Charles-le-Chauve était, selon la tradition, réduite aux objets de la plus stricte nécessité. Son unique haut-de-chausse (en cuir) réclamait une prompte réparation. Des savetiers furent appelés pour réparer cet indispensable vêtement. En reconnaissance de ce service, le roi accorda à la corporation troyenne la faveur de célébrer la fête de leur patron dans l’église de l’abbaye royale de Saint-Loup.
Les saints patrons des cordonniers, savetiers et basaniers sont saint Crépin et saint Crépinien, martyrs du III° siècle, qui étaient cordonniers à Soissons. Ils fabriquaient des chaussures pour les pauvres, qu’ils ne faisaient pas payer. Leur fête est célébrée le 25 octobre.
Il y a à Saint-Pantaléon une sculpture remarquable, groupe polychrome de ces deux saints, qui décoraient à l’origine l’église des Cordeliers (prison de la rue Hennequin).
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