Ce qu’on appelait autrefois quartier de la tannerie était articulé sur les 2 rues actuellement nommées R. Poincaré et Ch. Gros, bordé au nord par la rue E. Zola, au sud, par le boulevard du 14 juillet et à l’est par la Préfecture. A l’est coulait le ru Cordé, bras de la Seine devenu le canal et qui séparait le quartier « haut », quartier du commerce et de l’industrie, du quartier « bas », celui de la cathédrale. Un pont, le « Pont de la Salle », enjambait le ru Cordé. Il menait au Palais des comtes de Champagne et à l’église Saint-Etienne. Au sud, un autre bras de la Seine venant de Croncels rejoignait le ru Cordé. A mi-chemin, un pont menait à l’extérieur de la ville, surmonté d’une porte, justement appelée « Porte de la Tannerie ». C’est par là que passaient, entre autres, les matières premières qui servaient aux tanneurs.
« La tannerie tenait autrefois le haut du pavé ».
Il faut comprendre dans un seul groupe les tanneurs, les chamoiseurs, les mégissiers et les hongroyeurs. Les Tanneurs traitent chimiquement des peaux d’animaux (bœuf, mouton, chèvre, cochon) pour la production de cuirs. Les Chamoiseurs fabriquent un type de cuir très souple et de qualité, utilisé notamment dans la ganterie. Ce cuir était autrefois fabriqué à partir de peaux de chamois, d’où le nom. Les Mégissiers sont ceux qui apprêtent principalement les peaux d’ovins et de caprins. Les Hongroyeurs sont ceux qui préparent et travaillent le cuir à la manière des cuirs de Hongrie ; ils sont rares et recherchés par l’étranger.
La puissante corporation des tanneurs, qui a compté jusqu’à 400 ateliers, était encore assez importante en 1826, 34 ateliers étant occupés par la préparation des peaux.
Le métier de tanneur était difficile. L’apprentissage durait plusieurs années : il fallait payer pour avoir le droit de travailler. Passer au tan 3 ou 4 cuirs passés dans l’année, permettait d’être de « Petite tannerie » et d’habiter dans la rue du même nom. Le travail du tan (écorce de chêne), était extrêmement long, durant de 2 à 3 ans. Seuls les maîtres s’installaient en « Grande tannerie ». Le travail était surveillé et contrôlé, et il n’était pas rare qu’on les obligeât à le recommencer, s’il ne correspondait pas aux normes. Il arriva que des maîtres-tanneurs fissent fortune. Alors, les églises proches en profitaient !
Au Moyen Age, les tanneries étaient, à Troyes, l’industrie la plus florissante, avec les draperies. Dès l’origine, les tanneurs avaient établi leurs ateliers le long des cours d’eau, puis ils s’étaient multipliés et avaient essaimé en ville, dans un quartier marécageux, entre Seine et ru Cordé. Le comte Henri 1er de Champagne le fit drainer et c’est ainsi que l’on vit alors entre la rue Notre-Dame et la Seine, 3 branches de ce fleuve courir de Croncels au ru Cordé. Puis on creusa perpendiculairement à ces rus appelés « Grand et Petit Rus », des « traversins » permettant l’écoulement des eaux entre les divers rus. « Des habitations s’y construisirent, des tanneries y fleurirent ». Pour circuler plus facilement, il fallut faire des ponts, 10 au moins, tant rue de la Grande Tannerie que de la Petite Tannerie et sur les autres rues du quartier. Ces ponts étaient généralement en bois, sauf celui de la rue Perdue, et pavés plus ou moins bien, par-dessus : de toutes façons glissants. En tomber n’aurait pas eu de grande conséquence, la profondeur des rus n’étant au plus, que de 4 pieds (1 pied = 30 cm). Ces canaux servaient au nettoyage des peaux, cuirs, mais il faut savoir que les documents d’époque ne manquent pas pour affirmer que l’industrie de la tannerie était parmi les plus malodorantes ! L’eau n’était pas très courante, malgré la dénivellation entre les rus. De plus, les habitants ne se gênaient pas pour y déverser leurs déchets de toute nature. On pense d’ailleurs que la peste y prit naissance en 1606, et que le premier cas de choléra fut signalé en 1832, dans la rue des Cornes. Les derniers ponts du quartier disparurent au début du XIX° siècle.
Malgré tous ces inconvénients, la tannerie était un des plus beaux fleurons de l’industrie troyenne, jusqu’au XVI° siècle où l’on trouvait encore 40 maîtres et 450 bonnes maisons de tanneurs corroyeurs, mégissiers, chamoiseurs, hongroyeurs. Hélas, au XVII° siècle, les impôts, surtout, contribuèrent au déclin de cette « opulente communauté », une dizaine de tanneries à peine, subsistaient encore. Les difficultés venaient des impôts dont les cuirs ont été chargés, et dans la servitude à laquelle ces impôts ont soumis les tanneries. Les tanneurs auraient pu mettre sous les yeux du Conseil, des états comparés des cuirs qui passaient à l’étranger avant l’établissement de ces impôts, et des cuirs que nous tirions de l’étranger depuis cet établissement. Si, dans cette comparaison, les cuirs tirés de l’étranger emportent la balance, les vues éclairées du Conseil sur tous les objets de commerce l’auraient déterminé certainement à rétablir l’équilibre, par la modération des impôts, et par des facilités dans leur perception et manutention : il aurait eu plus d’égard au bien du royaume qu’intéresse une branche de commerce aussi importante, qu’à une cupidité indépendante de ces considérations. « Nos tanneries rétablies, nous n’aurions plus la douleur de voir, à nos Foires, des files de chariots chargés de cuir verts expédiés pour l’Allemagne, qui tiraient autrefois de Troyes ces mêmes cuirs préparés et corroyés. Les maîtres-tanneurs les plus riches s’expatrièrent vers Paris, dans le faubourg Saint-Marceau, alors qu’au beau temps des Foires, c’était Paris qui venait se documenter auprès des maîtres-tanneurs troyens. Leur patron, Saint-Barthélemy, n’avait rien pu faire contre le fisc !
A l’angle de la Petite Tannerie et de la rue Notre-Dame, se dressaient des maisons aux enseignes prestigieuses : « L’Orange d’Or », « Le Capon d’Or Couronné », « L’Arbalète », habitées au cours des XVI° et XVII° siècles, par les Garnier, Oudot, Adenet, qui furent parmi les pionniers de l’Imprimerie Troyenne.
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