Ordonnances, lois...



Lieutenance générale de Police au XVIII° s.


                      Les principales justices particulières qui jouissaient encore, à Troyes, au XVIII° siècle, du droit de police dans l’étendue de leur ressort étaient les suivantes :

 

                       Bailliage de l’évêché, dont le ressort se limitait à l’emplacement même de l’évêché ;

 

 

 

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                       Grande Mairie de Saint-Pierre : son ressort s’étendait au grand et au petit cloître de Saint-Pierre et autour de la place de son église ;

 

                       Mairie de Saint-Jean-en-Chatel qui tenait sous sa juridiction « une grande partie des faubourgs de Saint-Martin, celui de Preize et s’étendait jusqu’au Mail sous les Remparts de la ville » ;

 

                       Grande Mairie de Saint-Loup, qui ne renfermait que « l’abbaye et la maison abbatiale » ;

 

                       Grande Mairie de Notre-Dame : s’étendait surtout dans « la Grande-rue, la rue du Mouton-Blanc, celle de Notre-Dame, de la Petite Tannerie, de Saint-Paul et la rue Perdue » ;

 

                       Grande Mairie de Saint-Etienne qui avait dans son ressort le Cloître Saint-Etienne et la rue des Trois petits Ecus ;

 

                       Mairie de Saint-Urbain, n’a de son ressort que son église ;

 

                 Bailliage de Saint-Jean du Temple, n’a de son ressort, que la Commanderie de Saint-Jean ;

 

                       Mairie de la Trinité, du Faubourg Saint-Jacques, avec le Labourat ;

 

                       Mairie Royale de Chaillouet : du moulin de Brûlé jusqu’au faubourg Saint-Jacques ;

 

                       Mairie de Pouilly : du bout du faubourg Saint-Martin et les Marots ;

 

                       Bailliage de la Rivière-de-Corps : comprenant « l’extrémité du faubourg Sainte-Savine, la Maladrerie et la Rivière-de-Corps ».        

 

                        L’administration de la Police dans les Villes de quelque importance fut complètement transformée par les 2 Edits d’Octobre et Novembre 1699, qui portaient la création d’officiers nouveaux : les Lieutenants Généraux de Police « en titre formé et héréditaire ».

 

                          Le but du Roi était « d’étendre à tout le royaume » le régime de la « bonne ville de Paris » où « l’Etablissement du Lieutenant Général de Police a eu des suites si avantageuses au service du Roi et à l’ordre public de cette grande Ville ».

 

                    Le Roi entend que les fonctions qui leur sont attribuées soient certaines et ne puissent leur être contestées : « Nous voulons et ordonnons que lesdits Lieutenants Généraux de Police connaissent de tout ce qui concernera la Sûreté des Villes, du port d’armes prohibées par nos Ordonnances, du nettoiement des rues et Places publiques, de l’entretien des lanternes, du taux et prix des denrées, auront la visite des Halles, Foires et Marchés, des Hôtelleries, Auberge, Maisons garnies, Cabarets, Cafés, Tabacs et autres lieux publics, auront connaissance des Assemblées illicites, séditions, tumultes et désordres, des Manufactures et de leurs dépendances… donneront tous les ordres nécessaires dans les cas d’incendies ou inondations… exécuteront notre Déclaration d’août 1699, touchant le trafic des blés, recevront le serment de ceux qui voudront faire trafic desdits blés et autres grains, à l’exclusion de tous nos autres juges auxquels nous en interdisons la connaissance. Ils connaîtront les contraventions qui seront commises à l’exécution des Ordonnances, Statuts et règlements faits pour les Librairies et Imprimeries…

 

                  Seront tenus les Prévôts des Maréchaux, Vice-Baillis et leurs Lieutenants, Archers, Huissier et Sergents d’exécuter leurs Ordres et Mandements, quand ils seront requis ».

 

                Pour ne pas que les Assemblées des Villes cherchent à empêcher l’exécution des ordres et mandements des Lieutenants de Police, « ils assisteront à toutes les Assemblées de la Ville et y auront voix délibérative, ils parapheront tous les Bulletins qui seront délivrés par les Jurats (qui ont prêté serment), Capitouls (nom donné aux officiers municipaux), Maires et Echevins pour le logement des gens de Guerre ».

 

                       Les privilèges qui sont reconnus aux nouveaux Officiers contribueront à faire d’eux des personnages de premier plan, avec droits et avantages dont jouissent les Lieutenants Généraux de Présidiaux, Bailliages et Sénéchaussées. C’est d’abord « l’exemption des tailles, subsides, logement de gens de guerre, tutelles, curatelles, du service du ban et arrière ban et généralement de toutes charges publiques ».

 

                       L’organisation de la police établie par ces Edits, apparaît dans son ensemble, fort judicieuse. Elle concentre tous les pouvoirs de police entre les mains du Lieutenant général de police et donne à cet « officier » les auxiliaires qui lui sont nécessaires.

 

                       Un Edit de 1706 déclare expressément que les Lieutenants Généraux de police connaîtront seuls « de l’observation des dimanches et fêtes, et des irrévérences et scandales qui pourraient être commis dans les églises ». Ils devront aussi connaître les lieux mal famés et y apporter l’ordre nécessaire. Ils ont seuls qualité pour juger des poids et mesures dont des échantillons doivent être déposés à leurs greffes. Ce sont eux qui doivent « faire l’ouverture et clôture des foires qui se tiendront à Troyes » et qui doivent « connaître des contestations et saisies qui pourront être faites des marchandises et denrées qui y seront apportées pour contrefaçon et malfaçon ».

 

                       L’organisation de la police, établie par les Edits précités, apparaît dans son ensemble, fort judicieuse. Mais il semble bien que le souci d’une bonne administration de la police n’ait pas été le seul motif de l’établissement de la nouvelle organisation. On a l’impression, qu’il s’agissait avant tout de trouver des ressources momentanées à un Trésor en détresse et que la réorganisation de la Police a été surtout un prétexte à la création de nombreux offices, fort recherchés en raison des droits et privilèges qu’ils comportaient.

 

                      L’office de Lieutenant général de Police créé par l’édit d’octobre 1699, est acheté à Troyes dès le mois de mai 1700. Cette rapidité tient au grand nombre des compétiteurs qui se présentent pour les acquérir : maire et échevins, prévôt, officiers du Bailliage désirent également conserver une part dans l’exercice de la police, et faute de pouvoir s’entendre, chacun des concurrents cherche à évincer les autres.

 

                       Les titulaires des offices de police à Troyes les avaient acquis à des conditions si onéreuses qu’ils recouvraient difficilement l’intérêt de leur finance.

 

                       Les intrigues et les rivalités provoquées à Troyes par la création de l’office de Lieutenant général de police, sont dues avant tout au prestige et aux privilèges attachés au nouvel office ainsi qu’à l’autorité réelle du titulaire sur les habitants. Le Lieutenant général de police devait être, effectivement, un personnage important. Le maire et les échevins d’abord, les officiers du bailliage enduite, cherchèrent successivement à accaparer les fonctions de police les uns au détriment des autres.

 

                              De 1700 à 1781, la répartition des attributions de Lieutenant général entre plusieurs titulaires nuit à la bonne administration de la police ; on se plaint à diverses reprises qu’il n’y ait à Troyes « aucune police ».

 

                       De 1781 à 1790, la Lieutenance générale de police fonctionne à Troyes en conformité des édits de 1699. En effet, les titulaires avaient de nombreuses attaches avec la population troyenne dont ils tenaient à conserver ou à gagner l’estime. Ils rappellent que « Troyes est la ville Capitale de la province » et ils veulent la rendre digne de ce titre.

 

                       Ces titulaires ne craignent pas de se mettre en opposition avec le pouvoir central. Lorsque les mesures dont on leur prescrit l’application leur paraît contraire à l’intérêt de leur ville, ils les violent systématiquement ou affectent de les ignorer. Par exemple, ils s’opposent à l’exportation des grains achetés au marché, si bien que le Contrôleur général dit à l’Intendant que « la ville de Troyes est de tout le Royaume celle où les Lois de Sa Majesté sur le commerce des grains sont le plus méconnues et enfreintes ».

 

                       En 1789, au moment où son rédigés les « cahiers de doléances » en vue de la réunion des Etats-généraux (voir ce chapitre), le fonctionnement de la Lieutenance générale de la police donne satisfaction à l’ensemble de la population, et il n’y a aucune critique contre le Lieutenant de police et son administration ! Ainsi, le cahier du Tiers-Etat émet le vœu de voir généraliser la collaboration entre le Lieutenant général de police avec le Bailliage et l’Hôtel de ville, et celui « que la taxe du pain et de la viande soit faite par l’officier de Police conjointement avec 2 officiers du bailliage et 2 des officiers municipaux ». Les cahiers du bailliage n’exprimaient guère l’opinion du « bas peuple » qui allait entrer en scène dès les premiers mois de la Révolution, dirigé par quelques meneurs, qui devaient se montrer rapidement hostile au Lieutenant général de police, comme à la plupart des autorités constituées chargées de maintenir l’ordre. Il l’obligea dès septembre 1789 à quitter momentanément la ville.  

 


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