Dès la plus haute Antiquité, les Tricasses éprouvèrent le besoin de remettre leur destinée entre les mains expertes de sages législateurs. Bon gré, mal gré, nos ancêtres eurent à obtempérer à des ordonnances ou arrêtés dont la signification revêt, à nos yeux, de citoyens du XXI° siècle, un caractère quelque peu obsolète, quant à la présentation du moins, car pour la teneur, il nous est facile de mettre en parallèle ordonnances de jadis et arrêtés d’aujourd’hui. Visiblement, les soucis des divers services administratifs demeurent les mêmes. Il y a 3 siècles, les incendies donnaient déjà matière à réglementation.
Aux lendemains du chaos révolutionnaire Troyes se présente « comme un tricot enchevêtré de venelles méphitiques (qui produit des effets plus ou moins nuisibles), aux détours desquelles on risque fort de tomber sous la bastonnade de quelque Cartouche en quête de butin ». De plus, la cité champenoise s’offre aux flammes comme une proie idéale, en raison de ce qu’elle est presque entièrement bâtie en bois. Pour pallier aux risques d’incendies, certaines mesures préventives furent prises le 18 frimaire de l’an XII (8 décembre 1793). Cette ordonnance de police stipule, qu’ « il est expressément défendu à toutes personnes de diriger les tuyaux de poêles du côté des rues et places publiques, attendu que lesdits tuyaux occasionnent beaucoup de malpropreté et de gêne, et que, placés trop près des constructions en bois, ils exposent au danger du feu ». Deux paragraphes plus loin, on prend connaissance de l’interdiction, formelle faite aux épiciers, merciers, quincailliers et artificiers de posséder, en leur maison, un stock de « poudre à canon et giboyer » supérieur à 5 kg, tandis que hôteliers et cabaretiers « sont tenus d’avoir des lanternes posées dans leurs écuries et d’autres portatives toutes les fois qu’ils iront de nuit dans leurs greniers ou qu’ils y enverront leurs domestiques, avec défense d’y entrer avec des pipes allumées ». Fumer la pipe est également interdit sur les champs de foire et dans les rues avoisinantes. Défense aussi de « brûler aucun porc dans les rues et places ni dans l’intérieur des maisons de cette ville et faubourg et encore sur la demi-lune au-devant de la porte Saint Jacques ou sur l’emplacement de l’ancien manège près de la porte de Croncels. Le contrevenant s’expose à une amende égale à la valeur de 12 journées de travail, le délinquant peut être condamné à la détention.
D’après ces ordonnances et polices on peut aisément brosser le tableau offert par un incendie aux environs de 1800 : « Au premier coup de tocsin annonçant le sinistre, les habitants du quartier où s’est déclaré l’incendie sont obligés, légalement et sous peine de 30 à 100 francs d’amende, d’accourir avec leurs seaux plein d’eau, tandis qu’aux proches voisins incombe la tâche de puiser sans discontinuer de l’eau dans leurs puits. De plus, porteurs et marchands d’eau sont tenus d’amener leurs tonneaux qu’ils doivent toujours tenir pleins d’eau ». Chaque propriétaire est d’ailleurs forcé d’avoir dans sa maison « 4 seaux d’osier bien poissés contenant 1 décalitre ».
Consignés dans des registres jaunis, certains règlements nous prouvent que, tout comme la gent contemporaine, nos valeureux aïeuls éprouvaient une propension sinon à l’indiscipline, du moins à la fantaisie. Ainsi, l’ordonnance du 15 janvier 1810 qui défend à toute personne entrant dans une église « de prendre place dans le chœur et aux endroits desdites églises les places destinées au ministre des cultes, alors qu’ « eu égard aux mœurs et à la décence, il est interdit de se baigner dans les canaux qui règnent le long des promenades de cette ville ». 6 mois de prison à qui s’y hasarderait, assortis de 50 à 500 francs d’amende (un agent de police gagnait alors 600 francs par an).
Les signes extérieurs de richesse ne datent pas d’aujourd’hui. En date du 7 août 1806, un arrêté municipal fixe la rétribution due aux instituteurs primaires : « le traitement des instituteurs doit être composé, entre autres choses, d’une rétribution fournie par les parents d’élèves. A cet effet, les habitants de Troyes sont divisés en 2 classes : la 1ère sera composée des plus riches et notoirement connus pour tels et la seconde le sera de tous ceux desdits habitants qui jouissent d’une moindre aisance que les premiers. Rétribution fixée à : 1 franc par mois pour la première classe, 50 centimes pour les parents de 2° classe.
Un arrêté de 1793, prescrit, pour la première fois dans l’Histoire, le numérotage des maisons. Une ordonnance du 30 août 1806, mentionne que ces numéros doivent être peints « à l’huile, en noir sur fond blanc ». L’exécution est confiée au Sieur Cossard, peintre, auquel il est alloué, pour chaque numéro, 40 centimes. L’opération devra être terminée avant le 30 septembre.
Arrêté du 8 juillet 1812 : « Attendu qu’une partie des sacrifices faits par la commune pour assurer la subsistance des habitants de la ville de Troyes, tourne à l’avantage de plusieurs communes éloignées en ce que leurs habitants enlèvent clandestinement des quantités considérables de pain, fabriqué en cette ville… défense absolue est faite aux boulangers de notre ville de vendre plus d’un demi-kilo par personne, aux habitants des autres communes et de jour ». En outre, force est à tous ces commerçants de vendre du pain de pur froment et marqué d’un signe particulier, incisé dans la pâte, sous peine de confiscation du pain, alors distribué aux pauvres. Il est également prescrit aux boulangers de suspendre les balances dans leur boutique même.
Afin d’éviter à d’éventuels trublions de rompre l’harmonie des manifestations organisées pompeusement lors du passage à Troyes de célébrités du moment, le 30 mai 1820, la municipalité demande à la population, descendue dans la rue, de crier comme un seul homme : « Vive le Roi », « Vive Monseigneur le Duc d’Angoulême », « Vive à jamais les Bourbons sur le trône de France », et suivant les modes de gouvernement : « Vive la République », « Vive l’Empereur ».
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