Ordonnances, lois.



Secours aux noyés


En 1832, la Mairie de Troyes édite une ordonnance intitulée « Instruction sur les secours à donner aux noyés ».

Veillez en trouver quelques extraits amusants, qui vous étonneront certainement, mais qui prouvent que les élus de cette époque se préoccupaient de la santé de leurs concitoyens ! :

 

« En général, la mort n’est prouvée que par la putréfaction. On doit donner des secours à tout individu retiré de l’eau, chez lesquels on n’aperçoit pas, au moins, un commencement de putréfaction. Dans les noyés retirés de l’eau peu de temps après la submersion, la vie n’est pas toujours éteinte, elle n’est souvent que suspendue. L’expérience a démontré que plusieurs heures de séjour dans l’eau ne suffisaient pas toujours pour donner la mort. La couleur rouge, violette ou noire du visage, le refroidissement du corps, la raideur des membres, ne sont pas toujours des signes de mort. Les secours aux asphyxiés peuvent être administrés par toute personne intelligente. Les principaux moyens se trouvent dans les « Boîtes de Secours », que l’Administration entretient sur différents points de la ville, et a fait déposer : 1) à la pharmacie de l’Hôtel de-Dieu, 2) chez M. Robert, blanchisseur, sur la chaussée du mail de la Tannerie, 3) chez M. Etienne, au moulin de Saint-Quentin.

 

On procédera dans l’ordre suivant : on écartera la foule qui se presserait autour d’eux. 6 personnes suffisent pour administrer les secours, un plus grand nombre ne pourrait que nuire. Si le submergé est privé de mouvement et de sentiment, on le tournera sur le côté, et plutôt sur le côté droit, on fera pencher légèrement la tête, en la soulevant par le front, on entre ouvrira ses lèvres, on écartera doucement ses mâchoires, et on facilitera ainsi la sortie de l’eau qui pourrait s’être introduite, soit dans la bouche, soit dans les narines. « Cette inclination ne doit durer qu’une à 2 minutes », on relèvera le submergé, on choisira un lieu disposé en pente douce et on l’y couchera provisoirement tourné « sur le côté, la tête en haut et les pieds en bas ». Le submergé sera placé sur une couverture de laine, ou, à défaut de couverture, sur un manteau ou les habits qu’offrirait l’humanité des assistants. On se gardera surtout « de le suspendre par les pieds ». On fera sur le champ appeler un Médecin, on ira chercher la « Boîte de Secours », et on se bornera à porter le submergé dans la maison la plus voisine, sans négliger néanmoins de prévenir le Directeur et la Membre du Conseil de Salubrité qui lui est adjoint… Comme le moindre retard pourrait avoir des résultats funestes, en attendant le Médecin, on donnera les secours suivants : on débarrasse le submergé de ses vêtements, et, plutôt que de l’agiter trop violemment dans cette opération, on les coupe d’un bout à l’autre avec des ciseaux. On l’essuie avec des linges secs, on l’enveloppe de la chemise de laine contenue dans la boîte, et on lui couvre la tête d’un bonnet de laine. On le tient toujours couché sur le côté droit, et, auprès d’un feu de flamme, mais à une distance convenable, et la tête un peu élevée. On fait ensuite des frictions sur tout le corps, mais spécialement sur le creux de l’estomac, sur les flancs, le ventre et les reins. Pour cette opération, on peut employer alternativement les 3 moyens offerts par la Boîte de Secours : 1) les Frottoirs de Laine : on les présente au feu et on frotte les parties qui viennent d’être désignées, 2) les Brosses : on frictionne les mêmes parties, ainsi que les cuisses, les jambes et la plante des pieds, 3) les Fers à Repasser : on les chauffe et on les promène sur la couverture dont le noyé est enveloppé, en les laissant séjourner un peu sur les parties les plus sensibles à l’action de la chaleur, savoir, le creux de l’estomac, sur les flancs, le ventre, sous les aisselles, sur la région du cœur…. Si ces moyens sont insuffisants, on pourra faire brûler doucement, sur le creux de l’estomac, sur le gras des cuisses, sur les bras, de petits morceaux d’amadou, ou de linge, ou simplement de papier… On se mettra en devoir de rétablir le jeu de la respiration, et d’introduire de l’air dans les poumons, mais il faut commencer par extraire des bronches l’eau et les mucosités qui les obstruent. A cet effet, on prend la Seringue à Air, on pousse le piston jusqu’à l’Ajustage, on enduit cet Ajustage, extérieurement, avec un peu de suif, on le place dans la douille en cuivre du Tuyau élastique, et on l’y fixe par un mouvement de baïonnette. Le même instrument, après avoir dégagé les voies aériennes, peut servir pour introduire de l’air dans les poumons… Ces 2 opérations peuvent être répétées alternativement plusieurs fois… La Boîte de Secours contient encore 2 instruments propres à à faire passer l’air dans les poumons : l’un est une Canule en Cuivre, à Larynx, destinée à parvenir par la bouche jusque dans la trachée-artère, mais dont l’emploi ne peut être dirigé que par un homme de l’art ; l’autre, dit Canule à Narines, est une Canule en buis, séparée en 2 parties par un tube de peau. On introduit l’extrémité amincie de la Canule dans une narine, on ferme l’autre narine et la bouche avec les doigts et l’on pousse de l’air dans les poumons, soit en soufflant par la bouche, soit en adaptant la douille du Soufflet à l’extrémité la plus large de la Canule… L’air qu’on introduit dans les poumons devant être un air pur, il faut, de préférence, employer le Soufflet, et ne souffler avec la bouche que lorsqu’on ne peut faire autrement… On mettra sous le nez du submergé le bouchon d’un flacon d’Alcali volatil, après avoir mouillé ce bouchon avec la liqueur. On peut aussi lui frotter les tempes et les poignets avec le Vinaigre des  4 Voleurs. Si le malade  a recouvré la faculté d’avaler, on lui donnera une cuillerée à café d’Eau de Vie Camphrée ou d’Eau de Mélisse Spiritueuse, en se servant de la cuiller étamée. Dans tous les cas, lorsque les mâchoires sont trop serrées, il faut employer, pour les ouvrir, d’abord le petit Levier en Buis, et ensuite le Levier en Fer à Double Branches, qu’on présentera entre les petites molaires, en pressant ensuite graduellement sur les branches de l’instrument, jusqu’à ce qu’on puisse faire entrer dans la bouche le doigt  indicateur, avec lequel on aura soin d’abaisser la langue... Il est important d’observer qu’il y a du danger à remplir la bouche d’un noyé, tant que le malade ne pourra pas avaler. Un autre moyen pour rappeler les noyés à la vie, consiste à leur introduire de la fumée de tabac dans le fondement. L’appareil qui sert à cet usage se nomme Appareil Fumigatoire. Pour le mettre en jeu, on humecte le tabac comme si on voulait le fumer, on en charge de Fourneau formant le corps de la machine fumigatoire, et on l’allume avec un morceau d’Amadou ou un charbon, ensuite de quoi on adapte le Soufflet à la machine. Quand on voit la fumée sortir abondamment par le bec du chapiteau, on y adapte le Tuyau Fumigatoire, au bout duquel on ajuste la Canule, qu’on porte dans le fondement du noyé. On fait mouvoir le Soufflet, afin de pousser la fumée de tabac dans les intestins du noyé. Si la Canule se bouche, en rencontrant des matières dans le fondement, ce qu’on reconnaît à la sortie de la fumée au travers des jointures de la machine, ou par la résistance du Soufflet, on la nettoie à l’aide de l’Aiguille à Dégorger et l’on recommence. Si le noyé tardait à reprendre ses sens, il faudrait lui donner des lavements irritants. On peut se servir, à, cet effet, d’eau salée ou d’eau de savon. On emploie aussi, avec succès, un lavement composé de feuilles sèches de Tabac et de Sel Purgatif. La Boîte de Secours  renferme 4 paquets de ce mélange. On en fait bouillir un paquet dans une chopine d’eau, pour un lavement. Dans le cas où l’action des remèdes internes détermineraient des soulèvements d’estomac sans vomissements réels, on lui ferait avaler successivement 2 ou 3 grains d’Emétique dissous 2 verres d’eau chaude… Si les remèdes opèrent par les selles, il faut fortifier le malade en lui faisant avaler quelques cuillerées de Vin Chaud. On pressera doucement, à diverses reprises et en divers sens, le bas-ventre du malade. La Saignée doit être faite sur les sujets dont le visage est rouge, violet, noir, et dont les membres conservent de la chaleur et de la flexibilité. La saignée à la jugulaire est la plus efficace, mais il faut éviter toute espèce de saignée sur les corps froids, où dont les membres commencent à se raidir. On doit au contraire, d’autant plus s’occuper de réchauffer le noyé qui se trouve en cet état… Il y a une observation importante à faire, les effets des secours sont lents et presque insensibles. Ils ne réussissent le plus souvent qu’autant qu’ils sont administrés sagement, lentement, avec ordre, « pendant plusieurs heures », et sans interruption. Il faut tout attendre de la persévérance. Il y a des noyés qu’on n’a rappelés à la vie, qu’après 7 ou 8 tentatives, et l’on ne doit jamais oublier que la putréfaction seule est le signe certain de la mort ».

 

         Délibéré en séance, le 29 février 1832, par les Membres du Conseil de Salubrité établi près l’Administration municipale :        

 

Payn, Maire de la Ville de Troyes ».

 

         Suit le « Détail des Objets contenus dans la Boîte de Secours, suivant l’ordre dans lequel on les emploie communément ». Je n’en citerai que quelques uns : 6) 2 fers à repasser. 10) 1 soufflet à une âme. 15) une boîte à briquet garnie. 16) 4 paquets de tabac et sel pour lavements. 25) 1 petit flacon d’eau de Cologne. 27) des plumes pour chatouiller le dedans du nez et de la gorge. 28) 1 petite boîte renfermant plusieurs paquets d’émétiques de 12 centigrammes (2 grains chacun.

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