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Travail des Enfants, des Filles Mineures et des Femmes


Ce n’est pas si ancien, et pourtant, vous allez être très, très étonnés par la lecture ci-dessous. Qu’en pense notre ministre de l’Education Nationale ? Et vous en 2015 ?

La Chambre de Commerce de Troyes formule des vœux par  délibérations de 1867 et 1868 : « Elévation à 10 ans du minimum d’âge pour l’admission des enfants au travail, et maintien du travail pendant 8 heures par jour pour les enfants de 10 à 12 ans. Affranchissement complet de la fréquentation de l’école à partir de 14 ans. Interdiction du travail de nuit pour les enfants ».

Le 16 octobre 1872, la Chambre de Commerce de Troyes adresse à Monsieur le Ministre de l’Agriculture et du Commerce la lettre dont quelques passages ci-dessous (Adolphe Thiers est Président de la République).

         « L’Assemblée Nationale introduit dans le projet de loi certaines dispositions que nous considérons comme devant être très onéreuses pour l’industrie, sans être indispensables au bien-être et aux véritables intérêts de la classe ouvrière, et qui appellent de notre part de nouvelles observations.

Ainsi, le projet de la Commission interdit le travail aux enfants qui n’ont pas atteint l’âge de 10 ans, comme nous l’avons demandé, mais il limite à 6 heures la durée du travail pour les plus jeunes d’entre eux et élève jusqu’à 13 ans le minimum d’âge nécessaire pour qu’ils puissent travailler pendant toute la journée. Cette dernière disposition nous paraît extrêmement grave, et c’est sur elle particulièrement que nous croyons devoir appeler l’attention de l’Assemblée, qui ne pourra pas manquer de prendre en sérieuse considération la nécessité de faire concorder les mesures de protection justement dues à nos jeunes ouvriers avec les nécessités de l’industrie. Nous n’insisterons pas  sur la réduction du travail des jeunes enfants à 6 heures au lieu de 8. Cette période de 6 heures divisée en 2 parties égales de la durée d’une journée de travail, et son adoption paraît être entrée dans l’esprit de beaucoup de monde. Mais, cette mesure vient concorder avec l’élévation à 13 ans d’âge nécessaire aux enfants pour être admis au travail de toute la journée. L’application simultanée de ces 2 dispositions diminuera notablement le nombre déjà trop restreint des enfants dont l’industrie peut disposer, et, si la première paraît admissible, la seconde acquiert une gravité d’autant plus considérable, et menace de faire naître des conséquences d’autant plus sérieuses. Il nous semble en effet que la loi de 1841 (du protestant Daniel Legrand), en fixant à 12 ans l’époque d’admission des enfants au travail complet, avait satisfait au double intérêt des classes ouvrières et des patrons, l’expérience prouve qu’à 12 ans, les enfants sont assez forts pour supporter sans inconvénient le travail de la journée entière.

On doit remarquer, à un autre point de vue, que c’est précisément à cet âge qu’ils rendent le plus de services. Nous réclamons en conséquence, avec les plus vives insistances, le maintien de la limite d’âge fixé par la loi de 1841, en la subordonnant, bien entendu, aux conditions d’instruction primaire déterminées à l’article 9 du projet, et d’accord avec les hommes les plus compétents comme avec le plus grand nombre des Chambres de Commerce, d’accord aussi avec une forte minorité de la Commission, dans le sein de laquelle 1 seule voix a décidé la question, nous demandons que la limite du travail à 6 heures de durée ne soit applicable qu’aux enfants âgés de moins de 12 ans à celui de 13 ans qui figure au projet.

         Nous maintenons en second lieu la demande contenue dans nos précédentes délibérations, de l’affranchissement de l’obligation de fréquenter une école pour les enfants ayant atteint l’âge de 14 ans révolus. Le projet de la Commission fait cesser cette obligation à 15 ans. Nous croyons que l’enfant à qui le travail sera rigoureusement interdit jusqu’à 10 ans, qui aura pu jusqu’à cet âge suivre complètement les classes élémentaires, qui, de 10 à 12 ans, et en cas d’insuffisance jusqu’à 14, sera obligé par la loi de consacrer à l’étude la moitié de sa journée. Nous croyons que cet enfant, arrivé à 14 ans, sera pourvu d’une suffisante instruction, et qu’à cet âge doit raisonnablement se placer l’affranchissement  inscrit à l’article 9 du projet de la Commission.

Dans la plupart des industries, le travail des femmes n’est pas comme celui des enfants un travail auxiliaire dont on peut un moment se passer. Il est distinct de celui des hommes, mais il se place parallèlement à ce dernier, il se lie essentiellement à l’ensemble des opérations de l’atelier, il forme une partie du tout, et l’on peut dire avec certitude que dans la plupart des cas, arrêter le travail des femmes, c’est arrêter tout un établissement. Or, il est des circonstances dans lesquelles l’industrie, par suite de chômages imprévus, ou pour d’autres causes accidentelles, est obligée de recourir momentanément au travail de nuit, dans l’intérêt même des ouvriers qu’elle emploie et pour ne pas les priver du salaire qui leur est indispensable. Il nous paraît désirable que ce travail tout exceptionnel, qui souvent ne s’exerce que pendant quelques heures de nuit, ne devienne pas légalement impossible. Nous voudrions que ce travail puisse être temporairement toléré dans certaines circonstances exceptionnelles, telles que la nécessité de regagner le temps perdu après des chômages accidentels ou tout autre, dont l’appréciation resterait soumise à l’administration compétente, à qui une autorisation spéciale devrait d’ailleurs toujours être demandée.

Dernière observation : l’article 4 du projet ordonne que tout travail, entre 8 heures du soir et 5 heures du matin, soit considéré comme travail de nuit. Cette disposition entraîne nécessairement pendant l’hiver l’obligation d’éclairer les ateliers matin et soir, et quant à l’ouvrier, elle le force à sortir de son repos bien avant le lever du soleil, quelque soit d’ailleurs la rigueur de la saison. Jusqu’alors, pour beaucoup d’industries et dans un grand nombre de localités, on a toujours repoussé l’éclairage le matin et prolongé la veillée du soir, selon l’heure à laquelle la saison permet de commencer la journée. Le repos donné à l’ouvrier est exactement le même, et il lui est moins pénible, à l’époque des grands froids de ne pas avoir à se lever longtemps avant le jour. On donne ainsi lieu à un double danger d’incendie, et l’expérience démontre que l’allumage en est un sérieux. Nous demandons que sur ce point il soit fait distinction entre la saison d’été et celle d’hiver, et que, dans cette dernière, le travail de jour puisse être placé pour les industries qui en feraient la demande entre 7 heures du matin et 9 heures du soir

         Nous avons la ferme confiance que le Gouvernement et l’Assemblée Nationale, prenant en considération les motifs que nous avons essayés de rappeler, donneront pleine satisfaction aux réclamations que nous avons cru devoir formuler ».

         Malheureusement, 150 ans plus tard, certains pays Asiatiques en sont toujours là ! !


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