Le 9 novembre 1870, le jour même de la capitulation troyenne, Bar-sur-Aube tombe aux mains de l’ennemi.
Le traité de Francfort du 1er mars 1871, prévoit l’occupation partielle de notre territoire.
Fin mars, un corps d’armée allemand s’installe dans la région de Bar-sur-Aube.
Le 3 avril, jour du lundi-saint, l’aumônier des troupes d’occupation, accompagné d’un officier sonne à la porte du chanoine Quellard, curé-doyen de l’Eglise Saint-Pierre de Bar-sur-Aube. L’aumônier entend que l’église lui soit réservée durant la journée du vendredi-saint, pour la célébration du culte protestant. C’est la stupeur pour le chanoine. En effet, les tendances œcuméniques de nos jours, n’existaient pas. C’est donc sur un courtois mais très ferme refus que le curé met fin à l’entretien. Le pasteur s’en montre affecté et informe son interlocuteur qu’il rendra compte de son échec à S.E. le Commandant-en-Chef et que, usant de son autorité spirituelle, il engagera personnellement les soldats à s’emparer des églises qu’on leur refuse.
Ne voulant pas se laisser intimider, le doyen enjoint à tous les prêtres menacés, de fermer leur église et, fut-ce par force, d’en interdire l’entrée au ministre protestant.
Curés et fidèles s’organisent, et 2 jours plus tard, les églises de Voigny et Colombé-le-Sec, assiégées par les Allemands, refusent de se rendre. Les assaillants n’osent pas enfoncer les portes, et les soldats se retirent.
Le lendemain, le major somme la municipalité baralbine de lui livrer l’église Saint-Pierre : « pour un jour déterminé, ainsi que la chose s’est faite à Troyes ».
Le maire et conseiller d’arrondissement, de Bar-sur-Aube, n’a évidemment aucune possibilité de satisfaire ces exigences, arguant de son incompétence, et il transmet la « sommation » au chanoine Quellard, priant celui-ci d’y donner la suite qu’il jugerait convenable.
Le doyen répond que nulle église du diocèse, aucune église troyenne n’a jamais été mise à la disposition du culte réformé. C’est au contraire par une fin de non recevoir que Sa Grandeur, Mgr l’Evêque de Troyes a répondu à toutes les demandes de ce genre : « nos édifices religieux s’ouvrent sans exclusive d’aucune sorte, à tous les catholiques romains. Le 6 avril dernier, lors des cérémonies du jeudi-saint, le prince Edmond Radziwill, aumônier catholique de l’armée allemande, a célébré la messe en notre église Saint-Pierre de Bar-sur-Aube, et donné la communion à une trentaine d’officiers et de soldats ».
Déconcertés par l’argument les Allemands se taisent durant quelques jours, puis, reprennent l’offensive et signifient à la mairie, que les troupes allemandes s’empareront de l’église Saint-Pierre, le dimanche 23 avril à 11 heures.
« Cette insistance dit le chanoine, prend l’allure d’une persécution. Nous résisterons quoiqu’il arrive ! ».
Le jour dit, c’est devant une foule énorme que le doyen chante la messe de 10 h. Acculés à la violence sacrilège ou à la retraite, les soldats allemands se groupent dans une prairie voisine, et y entendent un office en plein air.
S.E. le lieutenant général décrète alors que le mardi 25 avril, le culte réformé sera célébré dans l’église Saint-Pierre, « toute résistance étant cette fois, inutile ». Fort bien répond le chanoine, « les assistants passeront donc sur mon corps ! ». Le commandant, craignant un scandale, abandonne la partie.
Le 10 mai, le corps d’occupation quitte la région et cède la place à une importante formation, sous le commandement du baron von Goltz, qui s’affirme comme un homme autoritaire et violent.
10 jours après, le chanoine Quellard reçoit une note comminatoire de la Kommandantur, qui l’avise que son église sera réquisitionnée le dimanche de la Pentecôte. « Il ne saurait en être question », dit simplement le doyen.
La fureur du colonel baron est telle, que le lendemain, ses troupes enfoncent les portes de l’église d’Arrentières, et prennent possession de l’édifice, après avoir brutalisé les fidèles et le vieux curé de la paroisse, l’abbé Laculle.
L’agression provoque une telle vague d’indignation dans la région et le diocèse, que le chanoine porte l’affaire à la barre du général en chef, menaçant d’en appeler à l’empereur Guillaume. Doltz a trouvé son maître. Après un échange de correspondance dépourvue d’aménité, après d’innombrables entrevues, le commandant, vaincu mais beau joueur prend le chemin de Canossa.
Le 16 juin au soir, le doyen Quellard est rencontré en ville par le colonel qui lui lance cette apostrophe : « Vous êtes bien content de me voir partir avant que je n’aie pu occuper votre église ». « Me blâmez-vous de vous en avoir interdit l’entrée ? » », répond malicieusement le chanoine. « Non, reprend le colonel, je vous en estime davantage et j’ajoute que j’eusse fait de même, à votre place ».
Le corps d’occupation quitte définitivement Bar-sur-Aube le dimanche 18 juin, sans être remplacé. L’Eglise Saint-Pierre était sauvée.
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