Pendant la première moitié du XVII° siècle, une grande partie du sol français a été ensanglantée par des guerres continuelles. La dernière période de la guerre de Trente ans, la Fronde ensuite, furent deux sources de calamités pour plusieurs des communes de l’Aube, où traînèrent longtemps de redoutables bandes qui les pillaient et les ravageaient impitoyablement. Les troupes du roi elles-mêmes, malgré la sévérité des ordonnances, ne craignaient pas de se livrer en temps de guerre à toutes sortes d’exactions. La tradition a conservé le souvenir des cruautés épouvantables commises par les armées royales ou ennemies qui tenaient la campagne. « Il n’y a, dit une mazarinade (pièce de vers satiriques ou burlesques, pamphlet en prose, publié du temps de la Fronde), que des pleurs, des gémissements, des tortures, des viols, des martyres, des cruautés abominables exercés par les gens de guerre qui sont pires que les démons. Ont été inventés tous les jours de nouveaux supplices, ne se pouvant saouler du sang des pauvres habitants des villes et villages ».
Le 15 janvier 1648, le roi tenant un lit de justice, Omer Talon, avocat général au parlement de Paris lui adressait cet éloquent appel : « Il y a, sire, 10 ans que la campagne est ruinée, les paysans réduits à coucher sur la paille, leurs meubles vendus pour le paiement des impositions auxquelles ils ne peuvent satisfaire, et que , pour entretenir le luxe de Paris, des milliers d’âmes innocentes sont obligées de vivre de pain de son et d’avoine et de n’espérer d’autre protection que celle de leur impuissance ».
C’est plus dans le nord du département de l’Aube, dans le doyenné d’Arcis, que les violences et les rapines des gens de guerre furent fréquentes et terribles :
1638 : 39 maisons sont brulées à Mesnil-Sellières. Soulaines : un régiment d’Allemands brûle toutes les maisons.
1646-1654 : Etrelles-sur-Aube : vols et rançonnements, bétail et chevaux enlevés au moment des semailles, le quart du village détruit par un incendie, 1200 cavaliers volent « excessifs »…
1653 : Saint-Etienne-sous-Barbuise : 5 compagnies du régiment de Turenne sont logées à l’église, prennent au curé son lit, son linge, toutes les pièces précieuses de l’église, égorgent 80 moutons et brebis…
1656 : Boulages : le prêtre s’enfuit « tout nu », et se cache dans la paille pour éviter la mort. Les hommes d’un régiment royal brisent et volent tous les ornements d’église.
1651 à 1656 : Pâlis : des régiments français et allemands ravagent les troupeaux et les agneaux, les habitants sont obligés de donner leurs chaumières…
1648-1656 : à Saint-Oulph, les habitants ont fui et la plupart sont « décédés à cause des incommodités qui suivent les gens de guerre et de la surcharge des tailles », 7 maisons sur 35 sont brûlées, et de fortes contributions sont prélevées par tous les régiments…
1648-1653 : Charny-le-Bachot : les habitants sont rançonnés, les fourrages, vin, œufs… sont réquisitionnés, la compagnie de la reine égorge tous les troupeaux, un régiment allemand de 500 cavaliers rançonne les habitants, 2 compagnies de Mazarin pillent l’ église et rançonnent les ouailles, le régiment des Lorrains envahit le château, vide tous les coffres et emmène chevaux et vaches, détruit les ruchers et tue les pigeons, les soldats brûlent les poutres et solives des greniers, sapent les cheminées, abattent les fours, volent les charrues et autres ustensiles…
1637-1656 : Rhèges fut un des villages les plus éprouvés par la Fronde. En l’espace de 20 ans, presque tous les régiments y logèrent ou y passèrent. L’église est pillée, les régiments exigent à chaque fois une forte contribution, incendient des maisons, mettent tout le village au pillage, les bestiaux et chevaux sont enlevés… En 1653, Rhèges est désert, les habitants s’étant retirés à Pouan, Méry, Bagneux, Presles… En 1656, il ne restait plus que 150 habitants sur 200.
1650-1656 : Viâpres-le-Grand : plus de 10.000 hommes y passent : la paroisse est réduite à 10 habitants, les autres s’étant enfuis, les blés sont fauchés, pillage complet des maisons et plusieurs brûlées, 60 chevaux campent dans l’église avec leurs cavaliers qui y font la cuisine et se servent des bancs, des chaises, du lutrin et des coffres pour faire du feu…
1653 : Nozay : 30 régiments y logent, qui ravagent le pays de fond en comble. Plusieurs maisons tombant en ruines, les soldats y mettent le feu « pour se chauffer » et l’incendie se communique à d’autres qui sont aussi brûlées. L’église fut pillée…
1651-1654 : Villette : l’armée ravage son territoire et emmène le bétail. En 1652, les régiments rançonnent les habitants, emmènent les chevaux. En 1654, les habitants hébergent les cavaliers de Lillebonne, qui gâtent les emblaves…
1638 : Arcis et Ormes voient le passage de nombreux régiments qui campent et volent les bestiaux. Les habitants s’enfuient.
1652-1656 : Le Chêne : 19 régiments dont 4 irlandais pillent le pays.
1647-1654 : Vaupoisson : dès 1647, de nombreux régiments y séjournent et incendient plusieurs maisons. 1653 : un régiment détruit les emblaves et brûle 7 maisons. 1654 : il ne reste plus que 10 maisons démolies, sur 40, les habitants prennent la fuite, laissant derrière eux quelques « pauvres gens et femmes… réduites à la mendicité ».
1641 : Trouan-le-Grand : le 18 juin, un régiment de 1.200 hommes arrive au pays. Les habitants se réfugient dans l’église avec leurs bestiaux, elle est assiégée et les soldats y jettent des bottes de fascines (fagots de branchages) allumées. En quelques minutes, l’autel et le jubé sont consumés ! Les malheureux sortent, plusieurs sont asphyxiés et brûlés. Ils sont dépouillés tout nus, on les roue de coups, on les lie avec des cordes et on les emmène. L’église est alors pillée, les chevaux et le bétail sont enlevés, les ruches détruites… Les habitants en sont réduits à « demander leur vie ».
1652-1654 : Braux-le-Comte : les troupes de Turenne composées de Français, Lorrains et Suédois, pillent et ravagent le pays. Le seigneur de l’endroit et plusieurs paysans sont « tués par ces hordes », et le curé s’enfuit à Rosnay « et saute dans le marais où il aurait croupi et demeuré toute une nuit».
1650-1655 : Saint-Léger-sous-Margerie : en 1650 et 1651, l’armée de Sa Majesté pille. Le village est défoncé en 1652, par un régiment irlandais qui traîne de l’artillerie et se sert chez tous les habitants. La même année 200 cavaliers lorrains pillent la maison seigneuriale, ainsi que les bêtes. En août, 300 cavaliers mettent le feu à la moitié du village. De 1653 à fin 1655, c’est un perpétuel passage de troupes.
Montmorency-Beaufort : le pays est pillé et ravagé 2 fois, 19 personnes sont tuées. Des habitants s’enfuient pendant 6 semaines dans les bois.
1652-1654 : Ruvigny : 3.000 cavaliers abattent la cure et quelques maisons particulières. En 1654, 1.000 soldats fauchent tous les prés pour nourrir leurs chevaux.
1652-1654 : Arrembécourt : en 1652, 450 chevaux ennemis occupent le pays, et leurs cavaliers commettent « toutes sortes d’atrocités et de brigandage ». 1653 : l’armée de Turenne vole 20 chevaux et 30 vaches, prend les grains et brûle 2 granges pleines. 1654 : 2 compagnies du Cardinal rançonnent et pillent le pays, quelques jours après, la garnison de Clermont met à sac les maisons, emmènent les chevaux et jette au feu le mobilier des paysans. En avril, 3.300 soldats réduisent totalement le pays à la misère.
Ainsi se passèrent environ 20 années. Que de grandes misères, de tels désastres, provoqués pour le service de mauvaises causes, cette société frivole qui s’engagea follement dans la Fronde, cette période de troubles graves qui frappèrent le royaume de France pendant la minorité de Louis XIV (1643-1661), alors en pleine guerre avec l’Espagne (1635-1659).
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