Il existe au musée de l’Armée à Paris, une très belle toile de Jean-Charles Langlois, le célèbre peintre des batailles. Pour un Aubois, cette toile ne peut manquer d’attirer l’attention, car elle porte l’inscription : « Le combat de Laubressel dans l’Aube, le 3 mars 1814 ».
La campagne de France commence vraiment le 25 janvier, lorsque Napoléon quitte Paris pour Châlons-sur-Marne. Les coalisés fin décembre 1813, ont franchi le Rhin. Une masse considérable de 250.000 hommes envahit la France, ne rencontrant guère de résistance. Napoléon, avec 60.000 soldats dont beaucoup sont de jeunes recrues que l’on appelle les « Marie-Louise » en raison du décret d’incorporation signé par l’impératrice régente, va s’opposer au flot de Prussiens, Autrichiens, Russes, Wurtemburgeois, Hessois, Bavarois, qui viennent prendre leur revanche.
Bien sûr, « Le combat de Laubressel », est oublié.
Il fut limité dans le temps, dans l’espace et dans les moyens, n’opposant qu’une fraction de l’armée impériale à un corps d’armée russe, avant-garde inquiétante annonçant l’arrivée prochaine de la puissante armée de Bohême qui, après les foudroyants succès de l’Empereur dans la Marne en février, s’était retirée en grand désordre jusqu’à Chaumont où elle avait été reconstituée. Il faut dire que Napoléon n’était pas présent, ce qui ôte un grand prestige à l’action menée d’un côté comme de l’autre.
Fidèle à sa stratégie, Napoléon s’efforce de s’opposer à la réunion des armées alliées, en particulier celle de Schwartzenberg (l’armée de Bohême), et celle de Blücher (l’armée de Silésie), les combattant séparément en courant de l’une à l’autre. Ainsi sont remportées de brillantes et éphémères victoires, Brienne, Champaubert, Montmirail, Mormant, Montereau et le 24 février, l’empereur fait une seconde entrée à Troyes, en vainqueur.
Schwarzenberg en pleine déroute reflue par la route de Chaumont et évacue Bar-sur-Aube le 26.
Dans la nuit du 26 au 27, coup de théâtre : Napoléon apprend que Blücher, qui a réformé son corps de bataille, a bousculé Marmont chassé de Sézanne et qu’il s’empresse de gagner la vallée de la Marne pour filer sur Paris.
La décision de l’Empereur est immédiate : il va, à marches forcées, se lancer à la poursuite de Blücher qu’il veut anéantir.
Je pense que beaucoup de personnes habitant Laubressel aujourd’hui, ignorent qu’il y a juste 200 ans, des hommes se sont battus, opposés sauvagement par les caprices de l’Histoire dans un combat obscur qui fut l’un des nombreux épisodes de cette terrible et extraordinaire campagne de France de 1814, bien qu’une reproduction du tableau orne la salle de la petite mairie de Laubressel.
Laubressel a joué un rôle, modeste sans doute, mais réel dans la grande tragédie de l’invasion de 1814.
Le 28 février 1814, Schwarzenberg reprend Bar-sur-Aube, il force Oudinot à abandonner la défense du pont de Dolancourt et son armée marche pour la seconde fois sur Troyes.
Alors s’opère une série de combats de retardement, Oudinot ne disposant pas de forces susceptibles d’inquiéter longuement l’armée de Bohême. Napoléon a été clair : ralentir le plus possible l’ennemi, se dérober dès que l’on est menacé d’un débordement.
Ce qui se passe à Laubressel appartient donc à cette tactique très souple qu’exigent la faiblesse numérique des Français, la nature du terrain et la mission à accomplir. Il n’a pas été question de s’enfermer dans Troyes et de défendre la ville, il fallait couvrir le gros du corps d’armée d’Oudinot, qui poursuivrait son mouvement de repli le long de la vallée de la Seine.
Furent ainsi choisis le site de Laubressel et la 2° division de tirailleurs de la jeune Garde pour mener à bien une telle opération.
Le village de Laubressel occupe une situation topographique se prêtant fort bien à un rôle défensif de quelques heures comme c’était le cas. S’étalant le long d’une ligne de côtes qui domine la Forêt d’Orient, la localité offrait l’avantage, en outre, de menacer le flanc droit des colonnes ennemies venues de Lusigny et qui se dirigeaient sur Troyes. Il était donc indispensable que les Français soient chassés de Laubressel ainsi que de Thennelières qui protégeait, à l’ouest, les positions françaises.
La défense de Laubressel fut confiée au général de division baron de Rottembourg commandant la 2° division de tirailleurs de la Jeune Garde. Il eut à subir les assauts du corps d’armée du prince Gortchakof, chargé de déloger les Français. Ce dernier, le 3 mars 1814 au soir, n’est pas parvenu à s’emparer du village, mais la situation commence à devenir critique pour les Français qui doivent éviter le piège d’un combat de rues.
Le lendemain, les Russes doivent recevoir des renforts. Utilisant la vieille astuce des feux de bivouac attisés jusqu’au dernier moment, les troupes de Rottembourg abandonnent leurs positions en silence.
Les habitants de Laubressel ont fui dans la forêt proche, craignant l’ennemi et les combats, tentant de survivre malgré le froid, l’humidité, la faim, les maladies…Ils savent trop ce que les Cosaques peuvent leur réserver : maisons pillées, incendies, toitures de chaume et charpentes arrachées pour alimenter les feux de camp, disputant leurs maigres et rares victuailles, les tortures, les viols, les humiliations…
Le 4 mars, pour la seconde fois, les avant-gardes de l’armée de Bohême se présentent à la porte Saint-Jacques de Troyes. Pendant un mois encore, la guerre se poursuit.
Napoléon livrera sa dernière bataille de la campagne de France sur le sol aubois, à Arcis-sur-Aube.
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