Vous en trouverez ci-dessous un résumé raconté par un témoin, l’Abbé Pierre-Nicolas Legrand, né à Méry-sur-Seine en 1764, et vicaire à Brienne-le-Château de 1788 à 1814.
En 1805, l’Empereur se rend en Italie pour ceindre la couronne des rois Lombards. Il passe par Troyes où il couche le 2 avril. Il en part le 3 à 14 h pour Brienne où il arrive vers 17 h, couche au château chez Madame de Loménie, et repart le lendemain pour Troyes.
"Aussitôt que j’eus appris que Napoléon venait à Brienne, je me dis à moi-même : " voilà un homme extraordinaire dont le nom passera à la postérité…". Le maire me pria de lui faire un petit complément. Je le fis et je l’engageai à l’apprendre par cœur, mais il ne put jamais le mettre dans sa mémoire et il se contenta de le faire copier sur une feuille de papier qu’il roula dans sa main et quand nous parûmes devant sa majesté, il dit à l’Empereur qui lui demandait ce qu’il pourrait faire pour la commune : « Sire, c’est là-dedans », en lui présenta le papier. Honteux et confus d’une réponse aussi saugrenue, je pris la parole et dis : « Sire, il s’agit d’un moment qui perpétue à jamais le souvenir du bonheur qu’a eu la commune de vous avoir élevé dans son sein ». Alors, l’Empereur laissant le maire et l’adjoint, s’entretint avec moi et me dit : « J’ai oui dire que les bâtiments de l’école étaient détruits ». « Il est vrai, dis-je qu’il ne reste plus que l’ancienne Minimière (bâtiments possédés par les Minimes)…». L’Empereur continue de s’adresser à moi : « Comment va la religion ? Reprend-elle un peu ? ». « Ah ! Sire, malgré nos efforts nous avons bien de la peine à effacer les malheurs de la Révolution ». « Oui, dit-il, les hommes ne vont guère à confesse, mais du moins, j’espère que les femmes y vont ». « Pas toutes Sire… ». «… La cure ne vaut pas ce qu’elle valait autrefois… il faudrait que vous eussiez la bonté d’en faire une cure de 1ère classe ». « Et, pour la commune, que puis-je faire pour elle ? ». « Sire, ma commune est accablée de dettes, elle n’a pu encore payer cette espèce de tour qui a été élevée en place de l’ancien clocher. Il serait à désirer que vous eussiez la bonté de l’exempter 1 année de payer ses impositions ». « A combien se montent ses dettes ? ». « 13 ou 14.000 francs ». « A combien se montent ses impositions ? ». « A peu près pour la même somme ». « La commune continuera à payer ses impositions et moi je paierai ses dettes »… « Nous avions à l’hôpital des Sœurs de la Charité qui non seulement avaient soin des malades, mais encore se chargeaient de l’éducation des enfants et votre Majesté sait qu’un des meilleurs moyens de ramener la moralité et la religion parmi le peuple, c’est de le faire participer au bienfait de l’éducation ». « Alors, l’Empereur se tourna vers moi et me demanda combien il vous faudrait de Sœurs. J’en demandai 3. « Combien y a-t-il de lits à l’hôpital ? ». « Il y en a 8 ». « 3 sœurs pour 8 lits, c’est trop » dit l’Empereur. « J’ai eu l’honneur de faire observer à Sa Majesté qu’il ne s’agissait pas seulement du soin des malades, mais de l’éducation des enfants ». « Bien ! Combien l’hôpital pourrait-il fournir ? ». « L’hôpital pourrait payer 1 sœur ou 1 sœur ½, mais nous aurions besoin d’un fonds de 600 livres pour faire face à tout ». Alors, l’Empereur me dit gracieusement : « Je l’accorde. Prenez note de tout ce que nous venons le dire et demain à mon départ, vous me la présenterez ».
Après le dîner sa Majesté fit un boston avec Madame de Brienne, Madame de Nogent et Madame de Nolivor. Ensuite Madame de Brienne, qui regrettait toujours les 2 canons que Louis XVI avait donnés à son mari et que la Révolution avait enlevés, témoigna le désir de les recouvrer pour en faire l’ornement de son château. « Des canons, répondit l’Empereur, des canons ! Je ne connais pas de canons pour une femme que le canon de la messe ».
Les promesses de l’Empereur furent bientôt exécutées. 3 jours après, un mandat de 14.000 francs arriva de Paris pour payer les dettes de la commune et au bout de 3 semaines, l’excellente sœur Sirot avec 2 autres sœurs de la charité vinrent prendre possession de l’hôpital ».
Les religieuses rendront de grands services lors des batailles de Brienne et de la Rothière en recueillant les blessés. Dans la nuit du 1er eu 2 février, avant de quitter le château, Napoléon vida sa cassette et leur en remit le contenu, pour qu’elles puissent soigner les blessés.
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