De 1983 à 1989, j’étais maire-adjoint, vice-président délégué de la Mission Locale pour les jeunes.
Nous étions quotidiennement confrontés à une clientèle très hétéroclite : loubards, drogués, affabulateurs, chômeurs, ivrognes, homosexuels, analphabètes, prostitués, filles-mères, lesbiennes, cinglés... paumés de tous ordres.
Il y avait encore à cette époque quelques punks. Presque tous possédaient des rats domestiques qui ne les quittaient pas (en principe ils avaient refuge dans leur poche de poitrine).
Ces jeunes avaient souvent la mauvaise habitude de faire peur aux vieilles dames, par exemple en lâchant leur petite bête dans les magasins.
J’essayais de les aider, de les empêcher de boire, de ne pas se droguer, de leur trouver du travail...
Un jour j’en vois arriver deux dans mon bureau, qui semblent catastrophés, ce qui n’est pourtant pas leur habitude.
Ils me racontent alors ce qui vient de leur arriver.
Cet après-midi là, une personne, dans la salle des pas-perdus de la gare de Troyes, ne retrouve plus son portefeuille, alors qu’elle vient de croiser les deux jeunes gens.
Elle appelle des agents de police qui passent, et leur indique que les jeunes viennent de le lui voler.
Il n’en faut pas plus aux représentants de l’ordre, pour les interpeller, leur mettre les menottes et joindre avec leur talkiewalkie, une voiture de patrouille qui croise dans le secteur.
Les policiers sont heureux : ils vont montrer à ces déchets
de la société ce qu’est le monde civilisé qu’ils refusent, ils vont voir que l’ordre doit régner... ils sont surtout ravis de casser du jeune !
Les punks sont amenés dare-dare au poste de police, malgré leurs dénégations.
L’interrogatoire commence aussitôt. Les jeunes demandent à avoir les mains libres, car ils veulent sortir de leur poche de chemise, leurs deux rats.
Les agents de police leur donnent une boîte en carton et leur demandent de mettre les bêtes dedans, puis la recouvrent d’un calendrier des PTT.
A cet instant, un coup de téléphone les avertit que le portefeuille n’a jamais été volé, mais oublié à la caisse du bureau de tabac-presse du hall de la gare, et que son propriétaire l’a récupéré.
Cela ne fait pas l’affaire des agents. Ils sont frustrés de la revanche qu’ils ne pourront assouvir sur les punks. Ils vont être obligés de les relâcher.
C’est alors qu’une idée diabolique leur vient à l’esprit. Pendant que les jeunes signent leur déposition, un gardien de la paix va chercher deux chiens policiers. Puis, les agents, comme s’ils faisaient un faux mouvement, font tomber la boîte par terre, et les chiens sautent aussitôt sur les rats et les tuent !
Les policiers s’excusent, se disent désolés, que c’est un manque de chance, qu’ils ont fait un faux mouvement par inadvertance.
Ils regrettent ce qui vient d’arriver, mais ce n’est pas de leur faute.
" Ne vous plaignez pas, vous êtes libres ", leur dit-on en guise de condoléances.
Devant moi, les punks, serrent les dents, sont fous de rage, et... pleurent !
Ces jeunes qui n’ont ni foi ni loi, étaient très attachés à leur
bête, qui pour eux, représentaient ce que sont pour nous un chien, un chat, ou même un être humain, à qui ils parlaient, se confiaient.
Ils mangeaient à table avec eux, à côté de leur assiette (j'en ai été le témoin, prenant un repas avec eux un jour), dormant ensemble, les gardant toute la journée sur leur corps...
Ce sadisme des policiers les révoltent.
Bien entendu, moi aussi.
C’est pourquoi j’ai provoqué dans les jours suivants, une
réunion dans la cave voûtée de Clin d’oeil, derrière la mairie, en présence du Ministre-Maire Robert Galley, des Directeurs des Polices Départementale, Urbaine et Municipale, et de quelques punks.
Cette confrontation a été bénéfique, à son issue, chacun comprenant mieux les autres. Et surtout, suite à l’incident, a été désamorcée une subversion qui pouvait dégénérer en violence.
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