Troyes et l'Aube précurseurs



La Bibliothèque Bleue


         "Qui n’a point entendu parler des quatre fils Aymon, de Huon de Bordeaux, de Galien le restauré et de tant d’autres héros dont les trouvères chantaient les exploits devant les chevaliers et les belles dames du moyen âge? Qui le croirait? C’est pourtant grâce à l’imprimerie troyenne que leur renommée s’est propagée dans toutes les chaumières et qu’elle a trouvé plus d’admirateurs que celle d’Alexandre le Grand... les éditeurs de la bibliothèque bleue se sont emparés des facéties, des légendes et de quelques classiques et ont obtenu une telle vogue... " 

De la fin du XVI° au milieu du XIX° siècle, circulent en France, quantité de petits livrets connus sous le nom de Bibliothèque bleue.

Pendant près de trois siècles, la Bibliothèque bleue constitue, pour le plus grand nombre, le moyen le plus commun d’accéder à la culture écrite.

Dans l’histoire de l’imprimerie et de la lecture, c’est sans conteste la formule éditoriale qui connaît le succès le plus long et le plus massif, faisant circuler des dizaines de millions d’exemplaires.

Le plus répandu des livrets bleus est un ouvrage broché recouvert d’une couverture muette de papier bleu. Il est de petit format, et renferme peu de pages.

Les romans de chevalerie dans la Bibliothèque bleue, eux, sont la plupart du temps relativement épais et renferment plusieurs illustrations.

Ensuite, il existe des exceptions à la règle. Certains livrets sont recouverts d’une tout autre couleur que le bleu: papier marbré, rouge, dominoté...

Très rapidement, au cours du XVII° siècle, l’idée qui prédomine, est de produire au moindre coût un objet qui pourra être ensuite revendu au prix le plus bas.

On estime généralement que leur prix de vente est inférieur à un sol l’exemplaire, alors qu’un ouvrage d’édition classique peut coûter 10, 20 sols, voire une livre pour un roman de chevalerie par exemple.

 

La tradition fait remonter à Nicolas Oudot l’invention de la Bibliothèque bleue en 1596. Son imprimerie à l’enseigne du Chapon d’Or couronné, est située à Troyes dans la rue Notre-Dame (aujourd’hui rue Émile Zola).

Il a été devancé dans cette idée, par son père Jean Oudot (qui imprime la première édition des Fables de Phèdre, qui, jusqu’alors " s’étaient dérobées aux recherches des Savants ") et Claude Garnier, à la fin du XVI° siècle. Ces libraires-imprimeurs s’étaient installés à la place des copistes et parcheminiers qui avaient déjà contribué à la réputation de notre ville médiévale.

Le succès couronne rapidement l’initiative de l’éditeur troyen et de ses successeurs, comme l’atteste Charles Perrault dans sa préface à l’ Apologie des femmes : " Boileau a beau se glorifier du grand débit que l’on fait de ses satyres, ce débit ne s’approchera jamais de celui de Jean de Paris... du moindre des Almanachs imprimés à Troyes au Chapon d’Or ".

La Bibliothèque bleue est troyenne pour deux siècles.

A Troyes, à la famille des Oudot viennent s’ajouter des imprimeurs concurrents, les Garnier principalement, mais aussi une dizaine d’autres.

On peut parler pour le début du XVIII° siècle, d’une véritable industrie.

La Bibliothèque bleue connaît son apogée sous la Restauration et le règne de Louis-Philippe. Les libraires parisiens et ceux de toute la France, vendent ce qui s’imprime à Troyes. Pendant tout le XVIII° siècle, les imprimeurs de la Bibliothèque bleue sont des agents de la Réforme catholique.

Quels types d’ouvrage rencontre-t-on dans cette Bibliothèque bleue ? Des ouvrages de religion résumant l’Histoire sainte et les Écritures, des livrets hagiographiques ( Les chansons des pèlerins de Saint-Jacques, La vie de Sainte-Reine d’Alise...), des recueils de cantiques et Noëls, des traités d’instruction et d’édification religieuse (Catéchisme à l’usage des grandes filles, pour être mariées, Le Jardin de l’honnête Amour, où est enseignée la manière d’entretenir une Maîtresse, La Méchanceté des filles, La femme mécontente de son mari…), des ouvrages de fiction, des contes de fée, des romans de chevalerie, des petits romans et des nouvelles, des pièces burlesques et poissardes, des pièces de théâtre, des chansons, des informations et instructions comme des abécédaires, syllabaires et orthographes, des arithmétiques, des modèles épistolaires... mais aussi des opuscules sur la satire des sexes, la satire des conditions sociales... des faits divers (Histoire de Mandrin...) ainsi que des pronostics, des recettes magiques... La vie quotidienne et ses techniques sont aussi présentes (Histoires des plantes et herbes, Le cuisinier français, Le grand calendrier et compost des bergers...) et même quelques rares ouvrages traitant de l’histoire de France et de la géographie.

La Bibliothèque bleue est qualifiée de " littérature de colportage ".

Dans un premier temps, ce commerce est citadin, assuré par une vente ambulante. Les colporteurs sillonnent la ville en proposant leur marchandise, dans leur balle, ou sur leur étal léger et provisoire. Ce n’est que dans la deuxième moitié du XVII° siècle, que le colporteur devient rural. C’est ainsi que chaque année, des centaines de milliers de petits volumes ou de brochures, dont l’ensemble forme comme une encyclopédie de l’instruction populaire à cette époque, sont offerts dans toute la France.

Le 26 juillet 1730, le lieutenant-général Louis-François Morel exerce son contrôle sur les livres et sur les privilèges dans les imprimeries et les librairies de Troyes, et son procès-verbal de visite ne comporte pas moins de 121 ouvrages de la Bibliothèque bleue.

Cette littérature est d’usage populaire. Il faut savoir que vers 1780, la France est encore analphabète à 60 %.

 



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