A l’époque gallo-romaine, le cochon est un animal sacré pour les Gaulois, comme la louve pour les Romains.
Les porcs très nombreux dans notre région, servent d’abord à l’alimentation générale, et ensuite à la confection des jambonneaux.
J’ai lu dans des textes anciens : " Le pain, le lait, la viande de porc salé faisaient le fond de la nourriture des Gaulois. Pour la préparation de ce comestible, les Troyens étaient passés maîtres. L’exportation prodigieuse des jambons et autres viandes salées et le succès que cet important article de commerce obtenait à Rome et dans toute l’Italie, prouvent que nos pères étaient les premiers charcutiers du monde ! "
La réputation de la charcuterie troyenne a été, de tout temps si solidement établie que le poète Evariste Parny (1753-1814) désignait la capitale champenoise par cette périphrase :
" Une ville populeuse par ses hures déjà fameuse… "
Grâce aux Foires de Champagne qui se tiennent 2 fois l’an à Troyes, les marchands, les guerriers, les pèlerins… s’en retournent, diffusant la renommée de la charcuterie de Troyes !
Quand les comtes de Champagne reçoivent à leur table les têtes couronnées, c’est avec les produits de notre charcuterie qu’ils en font les honneurs.
Parmi les nombreux artisans qui ont maintenu dans notre ville le prestige de la charcuterie, la famille Duchat est la seule qui se soit maintenue héréditairement dans la profession pendant de nombreuses générations.
En 1475, Jean Duchat participe à la rédaction des premiers statuts de la communauté des charcutiers de Troyes.
En 1576, le Conseil de Ville envoie Jean de Mauroy copieusement pourvu de jambon au Prince de Condé, pour lui demander de mettre notre ville, menacée par plusieurs compagnies du duc d’Alençon, sous sa protection.
Des jambons et des langues de bœuf sont offertes au duc de Guise, Gouverneur de la Champagne, en 1586.
En 1629, Louis XIII, lors de son passage à Troyes, permet, en récompense de ses talents gastronomiques, à Jean Duchat, de prendre pour armoiries : " de gueules à la hure d’or ", qui deviendra pour tous ses descendants l’enseigne de sa maison. La remarquable gravure que vous pouvez voir, en fait foi.
Louis XIV, revenant d’une campagne en Bourgogne en 1650, s’arrête dans notre ville, pour y déguster sa charcuterie, consommant avec sa suite 45 douzaines de langues de mouton et de nombreux jambons.
En 1728, le maire de Troyes, accompagné d’un conseiller et de 2 sergents de ville, se rend à Reims au sacre de Louis XV, emportant de grands présents de langues et de viandes, dont 4 pâtés de truites dans chacun desquels il y avait 3 truites. Au roi et à ses ministres sont particulièrement destinées " comme fruits du pays ", des hures de porc, et des douzaines de langues de mouton parfumées.
En 1775, lors du sacre de Louis XVI, le maire et les échevins font acheter quelques hures de porc et quelques paniers de langues de mouton parfumées pour autant qu’il s’en est pu trouver de bonnes dans cette saison. Malgré ces circonstances peu favorables, Rouillé d’Orfeuil n’en reçoit pas moins 2 paniers de chacun 3 douzaines de langues de mouton, un pâté de truites et 200 très belles écrevisses. Le corps de ville de Reims ainsi que M. Bertin, ministre et secrétaire d’Etat, ont chacun pour leur part, 2 hures et 6 douzaines de langues de mouton.
En 1805, séjournant à Troyes, Napoléon comblé de la charcuterie locale qui l’a régalé, en emporte avec lui !
Le Journal de l’Aube du 17 juin 1873, lors du décès de Duchat aîné (descendant de celui honoré par Louis XIII), fait l’éloge du plus fameux charcutier de Troyes. Cette famille, charcutiers jusqu’en 1947, remporte de nombreuses récompenses : médailles d’or Troyes 1860, 1883, Rouen 1884, 1885, Exposition Universelle Paris 1889, Paris 1900… L’activité de cette famille s’est poursuivie jusqu’à la période contemporaine, et son dernier représentant en tant que charcutier est Paul Duchat, dans sa boutique rue Notre-dame (près de la maison de la Presse), décède en 1947, dans sa 80° année.
On élève toujours beaucoup de porcs dans l’Aube, comme dans cette coopérative où j’en ai répertorié plus de 7.000.
Parlons maintenant des andouillettes.
Dès l’époque gallo-romaine, Troyes est déjà renommée pour ses andouillettes !
En 877 elles sont servies au dîner offert au roi Louis Le Bègue lors de son couronnement en la cathédrale de Troyes.
En 1389, lors de leur séjour à Troyes, Froissard, Isabeau de Bavière et Valentine de Milan, femme de Louis, duc d’Orléans, se délectent d‘andouillettes.
En 1527, Odard Hennequin, aumônier de François 1er, fait apprécier à la Cour les incomparables qualités des andouillettes de sa ville natale. Il est fait mention dans les registres capitulaires de la cathédrale de Troyes, d’envois réguliers d’andouillettes par les chanoines à des personnages influents.
En 1566, la Ville envoie des andouillettes en présent à ceux qui sont chargés des affaires de la ville de Troyes à Paris.
Ainsi, en 1576, le Conseil de Ville envoie Jean de Mauroy copieusement pourvus de jambon au Prince de Condé (à Villenauxe), pour lui demander de mettre notre ville, menacée par plusieurs compagnies du duc d’Alençon, sous sa protection.
En 1586, le Maire et les échevins se rendent à Joinville pour informer le duc de Guise, Gouverneur de la Champagne, des troubles qui menacent de se produire à Troyes, et ne manquent pas de lui offrir des jambons et des langues de bœuf.
La municipalité, les communautés, les notabilités troyennes, renoncent aux dons traditionnels de confiseries, miel, confitures ou hypocras, et prennent de bonne heure l’habitude d’accompagner leurs hommages et d’appuyer leurs requêtes par des présents d’andouillettes, universellement réputées !
Nous avons eu à Troyes nos oies du Capitole, ou les classiques délices du Capone, comme l’a dit notre grand historien Lucien Morel-Payen. Que s’est-il passé d’insolite, le 17 septembre 1590 ?
Une armée royaliste forte de 4.000 hommes franchit les remparts de Troyes, pour tenter de reprendre, par surprise, la ville aux ligueurs. Vers trois heures du matin, ils parcourent les rues, à la recherche de Claude de Guise, Gouverneur de la Champagne, enfant de onze ans, héritier d’une succession paternelle bien pesante. Prévenu, il court se cacher dans la tour de la cathédrale. Les royalistes arrivent dans le quartier Saint Denis où se fabriquent les fameuses andouillettes, et les soldats s’empiffrent à qui mieux mieux. Les ligueurs les surprennent et les boutent hors de Troyes. 7 à 800 restent sur le carreau, et les autres s’enfuient.
Le 28 avril 1650, Louis XIV, revenant d’une campagne en Bourgogne, s’arrête dans sa bonne ville de Troyes, pour y déguster sa charcuterie consommant avec sa suite 45 douzaines de langues de mouton et de nombreux jambons.
A la même époque, le surintendant des Postes ayant accepté d’un sieur Flogny l’engagement de tenir à Troyes 25 chevaux de louage, exige chaque année de notre compatriote, outre une redevance de 100 livres, la remise de 2 douzaines d’andouillettes.
A la fin du XVI° siècle, les expéditions d’andouillettes prennent une si grande importance, qu’elles donnent lieu à l’établissement de tarifs spéciaux. C’est ainsi que le 29 septembre 1602, le Prévôt de Paris, réglemente les transports entre Troyes et la capitale. Le port d’une douzaine d’andouillettes entre les deux villes est fixé à 2 sous 6 deniers, et un nouveau règlement élaboré le 26 mai 1656, porte ce tarif à 12 sous 6 deniers, prix anormalement élevé, puisque tout autre objet n’est taxé qu’à 18 deniers la livre.
Mais qu’est-ce qu’une andouillette ? Elle est produite à partir de boyaux de porc frais bien grattés. L’assemblage des chaudins et des estomacs est assaisonné par une mouture d’herbes et de condiments, dont la recette est tenue secrète depuis de nombreux siècles. Afin d’obtenir une andouillette en tous points parfaite, il faut une méthode soigneusement maîtrisée, mais aussi, un savoir-faire éprouvé. Elle doit être embossée à la main et tirée à la ficelle dans un boyau. Pour produire un kg d’andouillette de Troyes, il faut 3 kgs de matière première.
Un diplôme a été créé par l’Association Amicale des Amateurs d’Andouillettes Authentiques : 5 AAAAA
Cette charcuterie a fait le tour du monde. A.T. France (A, pour andouillette, T, pour Troyes) spécialiste numéro 1 en France, expédie aussi bien en Angleterre qu’au Mexique, à Hongkong, aux Canaries, en Chine, en Amérique Latine, que dans 60 pays d’Europe...
A Troyes, avec l’apparition des grandes surfaces, d’une trentaine de charcuteries il y a quelques années, il en reste moins que les doigts de mes mains ! Mais fiers de leur renommée, célèbres il y a des siècles et des siècles, ils le sont toujours pour la fabrication par exemple du boudin, ou des andouillettes, et recueillent régulièrement des médailles d’or.
Encore aujourd’hui, les géographies, les dictionnaires, les traités, écrivent : Troyes, célèbre par sa charcuterie !
Je terminerai en rappelant les termes qu'employait l'historien local Hariot en 1870, parlant d'une "renommée qui n'a pas son égale", nos andouillettes : " Sainte-Menehould, inclinez-vous ! vous ne tenez à votre gloire que par les pieds; les rillettes de Tours vont pâlir, les saucissons d'Arles et de Lyon en sècheront de rage. Nous, la vieille cité d'Auguste, nous tenons notre réputation par les pieds, par la tête et surtout par les entrailles qui ont fait les délices des Grands. Oh ! Saint Antoine, ne soit point jaloux".
En Janvier 2018, le groupe Popy rachète les emblématiques andouillettes Lemelle (AT France).
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