Le Métier :
Les artisans troyens du Livre apparaissent comme industriels officiellement reconnus dans la première moitié du XVI° siècle.
Mais, bien avant l’avènement de l’art typographique, notre cité fournit des membres à la corporation du Livre : un « Jacques de Troyes » était libraire à Paris en 1316, un « Philippot de Troyes » l’était en 1368.
De 1538 à 1561, les libraires envoient des délégués aux assemblées des habitants, le mardi des fééries de Pâques et à la Saint-Barnabé le 11 juin, pour la nomination du maire et des officiers municipaux.
Les artisans du Livre concouraient aussi à la formation des Etats généraux. Dans le cahier de la session de 1576, un vœu est fait : «… que les étrangers gabeleurs, inventeurs de fausses gabelles, soient chassés du royaume… que les blasphémateurs, les joueurs, pipeurs (qui trichent au jeu) etc… soient punis, que les maîtres d’école montrent la bonne doctrine catholique aux enfants, que tous les Libraires et Imprimeurs ne feront imprimer livres qui ne soient faits et composés selon l’Eglise catholique, apostolique et romaine, ainsi seront revus et corrigés par gens de bien que vous élirez ».
La Confrérie :
Les libraires-imprimeurs ne tardèrent pas à se constituer confrérie, seuls. La confrérie faisait alors célébrer chaque dimanche, au prix de 10 sous, une messe basse dans l’église Saint-Jacques. La suppression de cette messe fut décidée le 17 mars 1692, pour diminuer les dépenses et aider au paiement des taxes imposées par le roi. La confrérie se borna à faire dire une messe le jour de la Saint-Jean d’hiver (27 décembre), qui était la « petite fête », et une messe et des vêpres le jour de la Saint-Jean Porte-Latine (6 mai), patron de la corporation, qui était la « grande fête », et où la messe était célébrée avec éclat : les ateliers étaient obligatoirement fermés, « le sonneur taquinait ses cloches en l’honneur de la confrérie, le jour et le lendemain. Il était de plus, chargé de mettre une tapisserie ».
Les membres de la corporation étaient très liés entre eux, non seulement pour la défense de leurs intérêts communs, mais encore par des liens plus intimes. Les anciens registres de baptêmes et de mariages des paroisses offrent à chaque page des alliances entre familles de libraires ou d’imprimeurs. La confrérie ne figure plus, à partir de 1727, sur les registres de la paroisse Saint-Jacques. En 1746, elle est chez les Révérends Pères Cordeliers.
La Communauté, la Chambre syndicale :
De simples confréries religieuses qu’elles étaient au début ces associations n’ont pas tardé à devenir, entre les mains de l’autorité royale, des instruments de surveillance très efficaces pour garantir la production contre l’influence néfaste de la « concurrence illimitée ».
Une règlementation fort sévère leur fut imposée : au commencement du XVII° siècle, les villes qui ne possédaient pas de communauté durent en constituer. Celle de Troyes l’était dès 1644. Le 25 mai 1673, elle soutient vigoureusement ses privilèges contre les exigences royales, à l’occasion de lettres de maîtrise que l'on voulait l’obliger à accepter.
Après la promulgation de l’arrêt du 28 février 1723, les communautés furent érigées en chambres syndicales, avec des pouvoirs très étendus et définis d’une manière précise.
En 1726 seulement, celle de Troyes fut créée.
Résumé de quelques uns des 12 articles : 1) « Il est défendu à tous autres qu’aux imprimeurs et aux libraires…de faire le commerce des livres, à peine d’amende de 500 l., confiscation et punition exemplaire… 4) 100 l. d’amende contre les maîtres qui feront travailler les dimanches et jours de fête… 5) Défense d’imprimer, vendre ou débiter aucun livre, sans lettres de permission ou privilèges scellés du grand sceau… 8) Il est défendu à toutes personnes d’imprimer, vendre, débiter ou distribuer « aucun Livres ou Billets contre la Religion, la pureté des Moeurs, le service du Roi, le bien de l’Etat, l’honneur et la réputation des Familles et des Particuliers… ». Les imprimeurs ou libraires coupables d’un tel délit peuvent être déclarés déchus de leurs privilèges.
Les comptes annuels sont précédés de la formule : « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit et du bienheureux saint Jean l’Evangéliste, patron des imprimeurs et libraires de la ville de Troyes ».
Il y avait une sorte de jeton de présence, ainsi, peu d’intéressés devaient manquer à la réunion.
La chambre syndicale de Troyes fut supprimée en 1776. Puis, survint l’arrêt du 30 août 1777, portant suppression et création de chambres syndicales, fixées à 20 seulement pour tout le royaume. Troyes dépendait de Châlons-sur-Marne.
Pour se réunir, les libraires louèrent en juillet 1698, " une chambre garnie, avec un petit jardin sur le derrière, avec un grenier, rue de la Petite-Tannerie ". En octobre 1729, ils louent une chambre rue de la Vierge. En 1746, la chambre syndicale est située rue du Temple. En 1776, les confrères se réunissent chez le libraire Sainton.
Indépendamment de l’assemblée annuelle de reddition des comptes et d’élection des syndics, les confrères se réunissaient aussi souvent que cela était nécessaire. Ils étaient convoqués par « semonces » (convocation, invitation à se rendre à une assemblée) du clerc.
La communauté troyenne ne possédait pas de blason, comme nombre d’associations similaires.
L’Apprentissage : était considéré dans la vie de l’artisan, comme une période décisive à laquelle on ne saurait consacrer trop de temps ni trop de soins. Sont frappés d’incapacité les individus qui s’étaient élevés à la maîtrise sans avoir passé par l’apprentissage régulier. On obtenait ainsi des ouvriers capables, rompus à tous les travaux du métier, et qui, achevant de se perfectionner aux multiples contacts du « tour de France » (nos compagnons), devenaient les maîtres habiles, ou les collaborateurs appréciés des grands typographes. L’apprenti logeait chez son maître, qui était tenu de le nourrir, chauffer, blanchir. La condition des apprentis imprimeurs était pénible, quelquefois même, ils étaient battus par les maîtres et par les compagnons, pour des motifs futiles, parfois injustes. Et cela, malgré l’article 3 des édits de 1539-1541 qui défend en effet aux compagnons de « battre et menacer lesdits apprentis ». Les compagnons voulaient par là empêcher le recrutement afin de se faire payer davantage. Un arrêt du Parlement de 1615 dispense de l’apprentissage les fils de maîtres. Ils devaient néanmoins, pour être reçus maîtres à leur tour, justifier de capacité professionnelle.
Les apprentis sont engagés pour apprendre à la fois l’imprimerie et la librairie. Ils ne pourront être reçus « qu’ils ne soient congrus en langue latine et de savoir lire le grec », conformément au Règlement de décembre 1649, et doivent savoir lire et écrire, apprenant pendant 10 années consécutives. C’était le commencement des « alloués », ouvriers secondaires auxquels on ne demandait pas les conditions d’instruction exigées des appentis brevetés, mais qui, en revanche, étaient écartés à jamais de la maîtrise.
La pénurie d’apprentis fut telle, à certaines époques, que les imprimeurs se les enlevaient les uns aux autres. Le jeune homme était présenté par son père ou sa mère, qui passait avec le maître, par devant notaires, un contrat enregistré ensuite par la communauté ou la chambre syndicale.
Les Compagnons, les Alloués : munis d’un certificat en règle, les apprentis libérés se faisaient embaucher comme compagnons.
Les règlements généraux de 1649, 1686 et 1723 ordonnent qu’avant de pouvoir être reçus maîtres, les apprentis imprimeurs et libraires serviront pendant au moins 3 ans en qualité de compagnons. Ils demeuraient rarement dans la ville, mais au contraire voyageaient pour augmenter leurs connaissances techniques. Il n’était pas rare de les voir travailler à Rome, en Hollande, en Suisse, en Belgique, en Allemagne, en Espagne… La pénurie de compagnons poussait parfois les maîtres, en dépit des règlements, à débaucher ceux de leurs confrères.
Qu’étaient les « alloués » ? Les maîtres employaient aux travaux secondaires de leurs maisons des ouvriers n’ayant pas fait l’apprentissage règlementaire. Une déclaration de 1713 les autorise à prendre autant d’ouvriers qu’ils en auront besoin, quand même ils n’auraient pas fait d’apprentissage chez un maître imprimeur, mais que la préférence serait accordée aux compagnons réguliers, « quand ils voudront se contenter du salaire ordinaire ». Les alloués ne pouvaient, sous aucun prétexte, parvenir à la maîtrise.
Les maîtres étaient souvent parrains et leurs femmes marraines des enfants de leurs ouvriers, ce qui indique des relations cordiales.
La Maîtrise : était la consécration officielle des capacités de l’aspirant, elle lui conférait le droit de s’établir pour exercer sa profession.
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