La médiathèque de Troyes possède le fonds le plus important de France, d’almanachs populaires du XVII° au XX° siècle.
Troyes a été à l’origine de la littérature de colportage avec ses Almanachs.
Les almanachs sont diffusés par les colporteurs, qui jouent un rôle essentiel dans la vie des Français. Sur l'ensemble du territoire, ils proposent leurs produits jusqu'aux zones les plus reculées des campagnes
C’est une réussite immédiate. Ils sont imprimés sur un mauvais papier à peine blanc, granuleux, qui boit l’encre, mal brochés d’un simple fil, mais ont un avantage important : ils se vendent un sol ou 2, et sont donc à la portée de tous.
Ces livrets sont destinés non à être lus des yeux, mais à haute voix et entendus, lors de la veillée.
Le premier a dû paraître en " 1497, l’année même où le premier jour de janvier le soleil était au signe du capricorne ".
Comment se présente un almanach ? La couverture, placée sous le signe du soleil et de la lune annonce : " Dieu soit béni " et en plus, lors de l’an II, III et IV de la République " Vive la Nation Française ", ou " Honneur et Gloire à l’Être Suprême ".
L’ouvrage, composé par de savants astrologues, comporte un calendrier des jours accompagnés des fêtes des saints, l’annonce des foires, des jours fériés, la déclaration des éclipses, illustré chaque mois d’une planche évoquant les travaux de la ferme, puis vient une notice astrologique sur les signes de la semaine, la disposition du monde, le Zodiaque. Une partie est consacrée à la physionomie et à la complexité humaines, comme aux significations morales et caractérielles des traits du visage. Il y a les anecdotes : bons mots, traits d’esprit, récits de vols et de crimes, événements miraculeux, des conseils concernant les maladies, des recettes de cuisine.... Une place importante est faite à la morale chrétienne : description imagée et horrifiante des vices et de leurs châtiments, prières des Trépassés, oraison à Notre-Dame.
C’est ce que comprennent nos premiers imprimeurs, qui éditent dès 1510, " le Grand Calendrier et Compost des Bergers avec leur astrologie et plusieurs autres choses profitables " (Nicolas le Rouge imprimeur et libraire), et " plusieurs autres sciences salutaires tant pour les âmes que pour la santé du corps " (Jehan Lecoq imprimeur).
On nous avertit que la vie de l’homme ne dure que soixante douze ans, et que nous changeons douze fois dans cet intervalle, c’est-à-dire une fois par chaque sizaine d’années.
Ainsi, chaque mois de l’année correspond à une période de six ans, et chaque saison ou dix-huit ans nous conduit successivement à la jeunesse, à la force, à la sagesse et à la vieillesse, représentées par le printemps, l’été, l’automne et l’hiver.
En 1639, Edme Briden, rue Notre-Dame, publie les Prédictions et Pronostications pour dix-neuf ans de Pierre de Larivey.
Au cours du siècle, le contenu des Almanachs se fait plus historique, en évoquant l’actualité politique récente, ou en rappelant de grandes dates de l’histoire nationale. Ces éditions sont ornées de gravures.
Mais c’est surtout en 1757 que la réputation de ces livres s’accroît dans des proportions extraordinaires à cause d’une coïncidence assez bizarre. La veuve Oudot tient alors " le sceptre des oracles qui réglaient le cours des saisons, des météores et des mouvements politiques, guerriers et pacifiques de l’univers : oracles d’autant plus ressemblants à ceux de l’antiquité, que la plupart étaient en vers tournés comme l’étaient ceux de la Pythie, avant que des gens d’esprit lui corrigeassent sa leçon ".
L’astrologue de Madame Oudot étant un jour absent, la copie vient à manquer. Les compositeurs s’impatientent d’attendre, lorsque le gendre de Madame Oudot, monsieur Truelle, homme spirituel et jovial, se propose pour remplir les fonctions de l’absent, à la condition qu’on lui laisse carte blanche. La proposition à peine agréée, monsieur Truelle, à la date du 5 janvier 1757, écrit cette terrible prédiction : " horrible attentat, coup manqué ".
Le hasard veut que c’est précisément à cette date que Louis XV est frappé par Damiens d’un coup de couteau.
La prédiction de l’almanach de Troyes fait grande sensation. Le bruit en parvient même jusqu’aux oreilles des membres de la Grande Chambre, qui sur le champ ordonne au lieutenant-général de police de la ville de Troyes d’opérer l’arrestation de Madame Veuve Oudot, de toutes les personnes de sa famille et de sa maison, et de faire fermer son imprimerie, car la complicité de l’imprimeur avec Damiens paraît évidente.
Mais le lieutenant-général de police, homme sage et prudent, qui fait son devoir et non pas du zèle, et qui connaît parfaitement la moralité de Madame Oudot, provoque sur la trop fameuse prédiction des explications qui paraissent si concluantes que sur l’avis qu’il donne, l’ordre d’arrestation est immédiatement révoqué.
La Révolution de 1789 ne met pas fin à l’activité des libraires troyens et des petits colporteurs. Pendant quelques années, la Veuve Garnier continue d’imprimer et de répandre les ouvrages de son fonds, sous la nouvelle enseigne de Citoyenne Garnier. Cependant, la propagande révolutionnaire, le développement des journaux modifient les conditions de la vente.
Un seul imprimeur troyen, Monsieur Bertrand Hû, a conservé en France le monopole de quelques almanachs, notamment de celui des Bergers, indispensable pour ceux qui ne savent pas lire, car, sauf le nom du mois et celui du saint du jour, il ne se compose que de signes indiquant " la constitution de l’air, s’il fait bon saigner, ventouser, prendre médecine, fumer la terre... ".
La publication de cet almanach remonte au commencement du XVI° siècle, et est toujours imprimé en 1874.
Pour terminer, sachez que les célèbres Almanachs " Le gros Bavard ", diffusés dans la France entière au XVIII°, étaient imprimés à Bar-sur-Seine, et parlaient de Troyes !!
Sur le bandeau du bas de chaque page, vous cliquez sur "Plan du site", qui est la table des matières, et vous choisissez le chapitre qui vous intéresse.
Cliquez sur "Nouveaux chapitres" vous accédez aux dernières pages mises en ligne.