La ville de Troyes est sans doute la première ville de France à créer des rouleaux des morts, dès le XI° siècle.
La bibliothèque de Troyes possède un de ces rouleaux, au moyen desquels une communauté ecclésiastique recommande à d’autres communautés les âmes des membres qu’elle a perdus.
Tout le monde sait ce que c’est qu’une lettre de faire-part de décès. Les rouleaux des morts étaient l’équivalent. Sauf les différences de formes occasionnées au Moyen-Age par l’absence de l’imprimerie.
Ces rouleaux mortuaires sont constitués d’un nombre variable de feuilles de parchemin (le tout pouvant atteindre 30 m de long).Chacun d’entre eux débute par un faire-part de décès (ou encyclique). A tour de rôle, les églises visitées par le porte-rouleau apposent un accusé de réception. L’encyclique a un intérêt artistique, de magnifiques dessins ornant le début du rouleau
Dans bien des cas, les itinéraires sont établis avec une grande précision : une carte retrace celui d’un rouleau mortuaire expédié en 1406 par Saint-Bavon de Gand qui, en 20 mois, recueillit plus de 800 titres d’Amsterdam au nord à Barcelone au sud.
L'intérêt des rouleaux des morts est tout à la fois culturel, paléographique, ils éclairent l'histoire de la peinture médiévale, celle des mentalités et la connaissance des routes et des itinéraires.
Par exemple, en 1240, I'abbaye de Solignac envoie l'un de ses moines faire la tournée des monastères pour annoncer le rappel à Dieu de l'abbé Hugues. Sa mission : recueillir des échanges de prières, louanges du défunt... sur un rouleau de parchemin. Au terme d'un véritable marathon de plusieurs mois et de plus de 300 visites, le document retourné à Solignac atteint près de 17 mètres. Du 1er janvier au 19 juillet 1241, 241 nouvelles églises ou abbayes apparaissent sur le rouleau. Le moine est parti en plein hiver pour plus de six mois, avec ce parchemin, de la peau de mouton ou de chèvre, un ou deux rectangles de peau cousus ensemble et on en a ajouté autant que nécessaire au fur et à mesure du périple.
Il existe deux espèces de rouleaux des morts, les perpétuels et les annuels.
Les rouleaux perpétuels, destinés à recevoir les noms des frères et des bienfaiteurs de l’abbaye et formés de membranes ou feuilles de parchemin cousues les unes aux autres, se prêtent toujours à de nouvelles additions et peuvent servir pendant un laps de temps indéfini.
Les rouleaux annuels sont ceux que les églises associées s’envoient annuellement pour s’annoncer les noms de leurs morts.
Il existe aussi des rouleaux individuels qui s’envoient à la mort de chaque frère pour obtenir, à son intention, les prières de ses associés.
Lorsqu’il s’agit d’un simple religieux, la lettre de faire part est simple. On se contente d’écrire sur le rouleau : " Un tel enfant de notre monastère est mort. Nous avons perdu un tel, chantre de notre congrégation. Nous conjurons tous les fidèles engagés dans la vie religieuse de prier Dieu pour lui. "
Mais, lorsqu’il s’agit d’un grand personnage, le rouleau " déploie orgueilleusement toutes ses pompes et s’adresse même à tous les fidèles par la plume du plus habile du couvent ".
A peine cette encyclique est-elle transcrite en tête d’une longue bande de parchemin qui s’enroule sur un cylindre, qu’elle est remise à un messager qui la suspend à son cou, et qui se met aussitôt en route.
Ce porte-rouleau, appelé roluliger ou rotulifer, va d’église en église et de monastère en monastère.
A son approche, les religieux s’empressent autour de lui, et, dès que l’abbé a achevé la lecture du lugubre parchemin, tous se rendent à l’église pour recommander à Dieu l’âme du défunt.
Le porte-rouleau est alors invité à prendre quelque nourriture et reçoit même quelquefois de l’argent, de peur que, découragé par de mauvaises réceptions, il n’abandonne l’entreprise.
Avant son départ, un moine se charge d’écrire la réponse et d’y ajouter la date de l’arrivée du courrier.
Le parchemin est enroulé autour d'un cylindre de bois. Les églises visitées ajoutent un texte à la suite, sur le premier espace disponible, écrit sur une seule face du parchemin. Quand il n'y a plus de place sur le parchemin, uin autre est cousu à la suite.
Le rouleau que possède à la Bibliotèque de Troyes mesure 8 mètres 10 de long, sur 0,225 de large, et se compose de quinze pièces de parchemin, en tête desquelles se trouve le tarif des droits à percevoir par le porteur dans les abbayes.
Les registres de la cathédrale de Troyes constatent la présentation d’un rouleau des morts venant de Citeaux en 1489-1490 et sur lequel est inscrit le nom Louis Raguier, mort en 1488, après avoir été évêque de Troyes de 1450 à 1483 (date où il démissionne en raison de son âge, en faveur de son neveu Jacques Raguier, évêque de Troyes de 1483 au 14 novembre 1518, date de sa mort).
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